Liam
Je prends le temps de détailler Manon lorsqu'elle s'approche dans ma direction. Le manteau long qu'elle a enfilé sur son jean et son col roulé noir suit ses mouvements lorsqu'elle marche. Elle a laissé ses cheveux blonds détachés, laissant apparaître son carré aux boucles soignées. Les lunettes qu'elle porte, laisse apercevoir un regard confiant derrière sa monture fine et c'est le sourire aux lèvres qu'elle me salue.
Je me penche pour lui faire la bise.
- Tu as les joues froides !
- J'ai marché plus longtemps que prévu, j'ai raté le bus qui conduit directement ici, explique-t-elle.
- Tu n'es pas en retard pour autant. On y va ?
Elle hoche la tête, soulagée et me suis jusqu'au guichet d'entrée. Nous choisissons le film dont l'affiche est la plus colorée. L'homme qui nous tend nos tickets nous assure que c'est la comédie de l'année et c'est dans un échange de regards que nous rentrons dans la salle indiquée.
- Je l'ai trouvé marrant, cet homme.
- Convaincu, en tout cas, j'ajoute.
Les bandes-annonces se succèdent les unes aux autres et nous nous installons dans une rangée au fond de la salle, côte à côte. Manon ôte son manteau et plante son regard dans le mien.
- Je suis contente de te voir, chuchote-t-elle.
- C'est plutôt réciproque, je crois. Tu as passé une bonne journée, hier ?
- Oui, nous n'avons pas fait grand-chose, mais j'aime bien ainsi. Et toi ?
Je hoche la tête. Après avoir participé aux cadeaux à l'autre bout du fil, j'ai raccroché et me suis préparé un plat de pâtes à la carbonara pour manger seul dans le salon. J'ai lu une partie de l'après-midi, et joué de la guitare sur l'autre. Mon père est rentré vers vingt heures et il m'a tendu un paquet que j'ai déballé en silence. Avant de monter me coucher, je l'ai remercié et même si je suis presque certain d'avoir rêvé, je crois l'avoir entendu s'excuser.
Manon triture la chaîne du collier qu'elle a autour du cou et je ne peux pas m'empêcher d'y jeter un œil. Lorsqu'elle la relâche, elle libère un pendentif travaillé où deux corps s'entremêlent rendant difficile de les distinguer séparément.
- C'est un cadeau de ma mère. C'est sa façon à elle de me dire que personne n'est jamais réellement isolé, qu'on finit toujours par comprendre qu'être seul face au mur n'est pas possible, détaille-t-elle en croisant mon regard.
- C'est beau.
Les lumières s'éteignent autour de nous, et le silence se fait. Nous reprenons notre place face à l'écran géant et le film démarre. Plusieurs fois nos mains se frôlent, presque malencontreusement, et à chaque fois, nos regards se croisent instinctivement.
L'homme à l'entrée avait raison, le film était vraiment drôle. Quand nous sortons, Manon doit essuyer des traces de mascara que ses larmes de rire ont fait bavé. À pied, le café le plus proche n'est qu'à cinq minutes, aussi, nous décidons de nous y installer pour finir l'après-midi.
- ... et pas une seule fois, je ne l'ai remarqué ! Je te jure, ç'a été vraiment drôle pour eux, moins pour moi, s'exclame Manon lors de son récit.
Je ris en imaginant la scène.
J'aime bien quand elle me raconte des anecdotes sorties de nulle part, j'ai l'impression de faire un saut dans sa vie. Elle s'ouvre à moi, m'autorise à rentrer dans son monde.
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Pétrichor
RomanceQuand elle apprend qu'elle a une leucémie, Manon n'a pas d'autre choix que celui de s'accrocher à sa vie du mieux qu'elle peut. À tant vouloir reprendre une existence normale, elle érige des barrières entre elle et le monde à coups de non-dits. Liam...