Chapitre 40

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Liam

Je suis devant le club où Evan passe sa fin de soirée, et attend à l'extérieur que mon meilleur ami sorte. Je resserre ma veste autour de moi, la culpabilité et le froid m'étreignent.

- Liam ?

Je me retourne, et un soulagement m'envahit en voyant le visage rassurant d'Evan à quelques mètres. Il a les joues rougies par l'alcool, et sa veste est mal mise, signe de la précipitation avec laquelle il est sorti.

- On va s'asseoir plus loin, et tu vas tout me raconter.

Il passe un bras autour de mon épaule, et m'entraîne un peu plus loin. Nous sommes seuls, sur un banc en plein milieu de la nuit. Après ma dispute avec mon père, je suis sorti précipitamment de l'hôpital, et la première chose que j'ai faite, c'est rejoindre l'endroit où je savais qu'Evan serait. Il a de suite répondu à mon appel depuis le téléphone de Florence, et quelques minutes plus tard, je le retrouvais assis à côté de moi.

- Je suis désolé de débarquer comme ça, alors que tu as ta soirée et...

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Alors je lui dis tout. Je lui explique combien la journée avait bien commencée, je lui détaille nos visites, je lui décris le sentiment de bonheur que j'ai ressenti, et plus j'avance, plus je parle doucement, pour éviter que ma voix ne se brise. Je suis incapable de donner des détails sur le moment où elle est tombée, c'est comme si mon cerveau avait effacé ce moment de ma mémoire. Et je finis mon récit par ce que j'ai dit à mon père, sur son visage qui se décomposait, et la façon dont j'ai tout lâché sans hésiter.

- Comment tu te sens, toi ? Tu m'as bien peint les émotions de tout le monde, j'ai en tête tous les évènements, mais toi, comment tu te sens ?

Mon regard est perdu au loin. J'ai la sensation d'être devenu un spectateur de ma propre vie.

- Vide.

Une fois prononcé, je me rends compte que ce mot est celui qui correspond le plus. C'est comme si j'étais anesthésié de tous sentiments. Je ne pleure pas, je ne hurle pas, je ne ressens rien. Plus rien. Ce soir, j'ai laissé tomber la fille que j'aime. Et je ne sais même pas si je pourrai un jour m'excuser en face d'elle.

- Manon va s'en sortir. J'en suis sûr.

- Et si ce n'est pas le cas ? Je n'ai pas été capable de la protéger, et si c'était trop tard ?

- Liam, ce qui va suivre ne va peut-être pas te faire plaisir, mais dis-moi, depuis combien de temps tu es au courant pour sa leucémie ?

- Je ne sais pas... Deux mois ?

- Ça fait deux ans que ça dure.

Je me retourne vers lui, choqué.

- Co... Comment tu le sais ?

- Je l'ai aidé pour les cours en début d'année dernière. Je pensais que ça allait mieux, mais j'imagine que ce n'est pas encore le cas.

J'acquiesce, à court de mots.

- Elle a fait sans toi, tout ce temps. Elle n'en a pas eu besoin. Parce que Manon, elle est comme ça. Elle se bat, en permanence, pour protéger ce en quoi elle croit, pour se protéger, elle. Alors, non, tu n'as jamais eu à la protéger, toi. Elle sait y faire. Elle sait le faire. Crois en elle. Et arrête de te reprocher ce qui est arrivé ce soir !

Il laisse passer quelques secondes, puis se relève.

- Pour ce qui est de ton père, ce qui est fait est fait. Ça devait bien arriver, un jour ou l'autre. Mais prends tes affaires, et dors à la maison ce soir. C'est peut-être mieux de vous laisser un peu d'espace à chacun, d'accord ?

Je hoche la tête, la gorge nouée.

- Allez, on y va, fait-il en me tendant une main. J'ai appelé mon père, il nous attend sur le parking.

Guillaume Moncel nous accueille dans un grand sourire, malgré l'heure tardive. Il ne paraît même pas surpris de me voir en compagnie de son fils.

J'ai toujours aimé les parents d'Evan pour leur gentillesse. Quand je suis chez eux, c'est un peu comme une deuxième famille. Evan a toujours un matelas prêt en avance pour les nuits que je passe chez lui, et ni Guillaume, ni Louise ne se sont jamais plaints de ma présence. J'ai parfois eu l'impression de devenir le deuxième fils qu'ils n'ont jamais pu avoir.

Une fois arrivés, Guillaume part se coucher après nous avoir salué, et nous montons à notre tour dans la chambre d'Evan. La petite pièce est chaleureuse. Je me sens protégé entre ces murs verts foncés. Il a une étagère où reposent les quelques coupes qu'il a amassé avec ses années d'athlétisme, et seule sa penderie laisse entrevoir un espace désordonné. Il me tend un t-shirt et un short pour que je puisse me changer, et je l'aide à installer le matelas au sol.

- Ton père n'a pas rappelé ?

Je secoue la tête après avoir vérifié sur son portable à lui. Il sait que j'ai perdu le mien en mer, et il est aussi au courant qu'Evan serait la première personne à contacter en cas de besoin, mais il ne l'a pas fait.

- Laisse-lui du temps.

- Je peux t'emprunter ton téléphone pour appeler Florence ? J'espère qu'elle a eu des nouvelles de Manon.

- Bien sûr. Je vais passer sous la douche, mets toi à l'aise.

Le répondeur résonne dans mon oreille et je reçois un message quelques minutes plus tard de sa part. Elle m'indique qu'elle n'a pas eu de nouvelles récentes, qu'elle est en soins intensifs et que les docteurs se veulent tout de même rassurant. Puis, en-dessous, elle m'a joint un numéro de téléphone pour contacter Clémentine, qui, d'après elle, pourra peut-être avoir plus d'informations. Elle finit par me demander de me reposer et de prendre soin de moi.

J'envoie un message à la fameuse Clémentine, me présente, et lui demande de me tenir au courant.

Il est quatre heures lorsque le téléphone vibre à nouveau. Je n'ai pas réussi à fermer l'œil, et fixe le plafond depuis plusieurs heures, tentant de bouger le moins possible sur mon matelas pour ne pas déranger Evan.

 Je n'ai pas réussi à fermer l'œil, et fixe le plafond depuis plusieurs heures, tentant de bouger le moins possible sur mon matelas pour ne pas déranger Evan

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     Je sens mon cœur repartir instantanément. Manon va bien. Manon est sauvée. Tout ce qui s'est passé me revient en pleine face et je me mets à pleurer d'un coup. Toute la peur et la culpabilité qui s'étaient accumulées s'efface pour laisser place au soulagement de la savoir en vie.

PétrichorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant