Le gouffre de la vérité

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Bien souvent, j'ai cette impression d'être continuellement en train de sombrer dans un gouffre. De m'enfoncer inexorablement dans les profondes abysses de cette vie que je subis. Autour de moi, seul demeure le vide de mes silences lassants. À croire qu'à force de toujours tout garder pour moi, je n'ai finalement plus rien afin de porter ma voix. Ma voix ? Quelle voix? En ai-je toujours une? Cela fait si longtemps que je ne l'ai entendu dire, elle qui sait si bien se taire.
À croire qu'elle aime se faire violence et crier au monde combien elle sait être silencieuse.
Mes mains fébriles toutes décharnées ne savent s'agripper aux parois. Je glisse.
Vois-tu, à force de les garder croisées sur ma tendresse, elles ont fini atrophiées et desséchées. Elles n'ont donc jamais su se tendre pour demander de l'aide, s'agripper.

La vérité c'est que je peux me confier en un seul rêve, mais je ne crois point en la garantie de ma réussite, alors j'en ai plusieurs.
La vérité c'est que si j'ai autant de rêves c'est parce que je ne sais me conforter en un seul, alors j'en cherche d'autres.
La vérité c'est que si j'en cherche d'autres c'est parce que j'aime obstinément croire que je mets plus de chances de mon côté en faisant ça, alors je continue.
La vérité c'est que même en continuant, je sais tout au fond que ce n'est pas l'essentiel, que le principal est ailleurs, alors je me parjure.
La vérité c'est que je ne suis qu'un petit garçon qui se croit homme désormais et qui ne veut pas que tous parlent de ses faiblesses, alors je me tais.
La vérité c'est que si je me tais, alors nul ne peut savoir mes peines et me porter secours, alors je leur en veux.
La vérité c'est que si je leur en veux, c'est tout simplement parce que je pensais aveuglément être quelqu'un d'important pour eux, alors je continuais.
La vérité c'est que en continuant, j'ai appris que si je ne veillais pas sur moi, personne ne le faisait ; alors je m'en veux.
La vérité c'est que si je m'en veux autant c'est parce que j'ai toujours cru que dans ce monde tout marchait sur le principe du don équivalent, alors j'y croyais.
La vérité c'est qu'en y croyant, je croyais tous les hommes bienveillants, alors je me leurrais. 
La vérité c'est qu'au fond je m'étais toujours douté de la supercherie, mais je voulais tellement y croire, alors je m'obstinais.
La vérité c'est qu'en m'obstinant je tentais désespérément de me convaincre que tout allait bien, alors je sombrais.
La vérité c'est qu'en sombrant, je ne voyais plus que les ombres, riant, se moquant, alors je me brisais.
La vérité c'est qu'en me brisant, j'ai voulu semer le chaos autour, alors je me suis coupé du monde.
La vérité c'est qu'en me coupant du monde, je me suis condamné, alors c'en est fini...
       

Mes mots, mon élégie.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant