L'hôtel de Noël [Sope]

Chapitre 7

Yoongi remarqua le premier cette lumière à peine visible derrière la brume que charriait la tempête. Il la pointa du doigt pour en prévenir Hoseok qui, en la découvrant à son tour, poussa un soupir de soulagement.

« J'ai bien cru qu'on n'arriverait jamais, marmonna-t-il épuisé.

— Encore deux minutes de marche et on devrait le voir avec précision. »

Hoseok opina, le visage dirigé vers le sol, et reprit sa lente progression. Yoongi s'aperçut alors qu'il tremblait de tous ses membres et que de nombreuses gouttes de sueur ruisselaient sur lui. Après un juron, il décida finalement de se montrer un peu clément avec son chauffeur : il ouvrit dans un frisson son épaisse et longue doudoune qu'il retira pour ensuite la poser avec délicatesse sur le dos du jeune homme. Hoseok, qui se ratatinait de plus en plus sur lui-même, releva les yeux à ce geste.

« Qu'est-ce que tu fais ? » s'étonna-t-il.

Yoongi ne nota pas le passage au tutoiement et haussa les épaules.

« J'avais trop chaud. Porte mon manteau, » ordonna-t-il sans oser regarder en face – et il fit bien, puisque ce dernier le fixa avec une reconnaissance qui les aurait tous deux embarrassés.

Ils poursuivirent leur chemin sans un mot. Yoongi mourait de froid, mais l'état de Hoseok s'était amélioré dès que le manteau bien chaud s'était trouvé sur lui, et ça le rassurait. Un instant, il avait cru que Hoseok allait s'évanouir sous ses yeux, et dans ce cas-là, il se serait senti bien démuni.

Comme prévu, les deux jeunes gens virent bientôt apparaître un hôtel au bord de la route. Il s'agissait d'un bâtiment de deux étages en briques blanches, aussi simple qu'élégant, et qu'ils considérèrent presque comme leur El Dorado.

Encore quelques pas les conduisirent devant la porte qu'ils poussèrent de leurs mains endolories. Les cheveux et les vêtements couverts de neige, ils rejoignirent le bureau de la réception, derrière lequel se trouvait une femme concentrée sur l'écran de son ordinateur. Elle leva les yeux en entendant du bruit et les écarquilla lorsqu'elle remarqua les deux garçons épuisés qui se présentèrent à elle.

« Vous allez bien ? s'inquiéta-t-elle. Vous avez besoin d'aide ?

— Juste une chambre, ça suffira, répliqua Yoongi. Enfin... deux. Séparées.

— Il ne nous reste qu'une chambre avec un lit deux places, je suis désolée, nous sommes presque complets.

— On en reparlera après, on peut manger quelque chose ?

— Oui, bien sûr, le bar est encore ouvert à cette heure, venez. »

Elle se leva et les guida jusqu'au bar de l'hôtel, autorisé au public. Il s'agissait d'une pièce qui servait de salle de restauration, équipée d'un comptoir derrière lequel se trouvaient plusieurs boissons. La journée, elle faisait office de cafétéria, et le soir elle devenait un bar paisible. Hoseok et Yoongi se laissèrent tomber sur deux banquettes confortables autour d'une table sur laquelle était posée la carte.

« Putain, une seule chambre, et avec un seul lit, en plus, grimaça Yoongi.

— T'as pas fini de râler ? On a déjà de la chance qu'il leur reste une chambre.

— Arrête de me tutoyer.

— Tu viens de le faire aussi.

— Oh fais pas chier.

— Alors fais pas chier non plus. On est camarades de galère, maintenant, je peux te tutoyer, le taquina Hoseok.

— D'où on est camarades de galère ? Tu te débrouilles tout seul.

— Ton manteau sur mes épaules ne dit pas la même chose.

— Laisse-moi tranquille, commande au lieu de m'emmerder. »

Hoseok jeta un regard au menu que son camarade avait étalé devant lui, puis il pâlit au souvenir de sa carte de crédit abandonnée sur sa table de chevet. Il était parti en songeant qu'elle ne lui serait nullement nécessaire du fait du plein qu'il avait payé quelques jours plus tôt, si bien qu'il ne l'avait pas remise dans son porte-monnaie. Avec les quelques billets qu'il avait, il règlerait la moitié de la chambre pour la nuit, mais pour ce qui était d'un repas...

Dépité, il se passa la langue sur les lèvres et tenta de ne rien laisser paraître.

« Je vais sûrement prendre une tisane. Ils proposent aussi quelques en-cas. Je vais prendre un kimbap... Et toi ?

— Un verre d'eau, rien de plus, je pense.

— T'avais pas faim ? s'étonna Yoongi.

— Si, mais c'est passé. »

Surpris, l'autre ne chercha pas plus loin. Il acquiesça et se leva pour aller commander au comptoir. Peu après, tout leur fut apporté, et Hoseok ne parvint pas à s'empêcher de lorgner les portions de kimbap.

Il avala son verre avec amertume, affamé.

« Je sais pas ce qui te trahit le plus : ta gueule de déterré ou bien le fait que tu mates mon en-cas comme si t'avais rien mangé depuis cinq jours. Quoi qu'il en soit, j'ai pas l'impression que ta faim « soit passée », si tu veux savoir, affirma Yoongi en mimant des guillemets en l'air.

— Et alors ? Si je t'ai dit qu'un verre d'eau ça suffisait, ça veut dire qu'un verre d'eau ça suffit, cracha Hoseok.

— Du calme, j'ai juste fait un constat, je t'ai pas insulté. T'as laissé ton portefeuille à la voiture, c'est ça ?

— Non, soupira l'autre d'un ton vaincu, je l'ai avec moi, mais j'ai pas ma carte de crédit, seulement un peu de liquide.

— C'est bien un truc de pauvre, ça, de payer en liquide pour éviter de trop dépenser, le taquina Yoongi avec un rictus moqueur.

— Je. T'emmerde.

— Tss, t'es vraiment stupide. »

Et sur ces mots, Yoongi quitta la table, à la surprise du jeune homme restant qui l'observa s'éloigner. Il ne l'aurait pas cru si susceptible.

Marmonnant des insultes à l'encontre de cet idiot qui lui servait de passager, Hoseok écarquilla les yeux en voyant son camarade d'infortune revenir, avec entre les mains une nouvelle tasse fumante ainsi que deux onigiris et une boîte de mochis.