L'hôtel de Noël [Sope]

Chapitre 30

« Hyung, hyung, hyung !

— Quoi encore ? se plaignit Yoongi en tournant la tête en direction de Hoseok.

— Regarde ! Un énorme Père Noël en Lego ! Ah j'adore ! »

L'appelé jeta un regard en direction de ce que pointait son cadet : au centre du rayon jouets par lequel ils passaient à présent avait été installée une statue de père Noël réalisée avec des briquettes de Lego. Un rictus s'étira sur le visage de l'aîné.

« Ah ouais, donc tu mentais pas quand tu disais que t'avais six ans dans ta tête...

— On va voir les jouets ?

— Non.

— Pardon ?

— Vas-y seul.

— Attends, donc je t'accompagne rayon musique, on écoute du rap pendant une demi-heure, et ensuite tu refuses de m'accompagner rayon jouets ?

— Ah parce que t'es venu avec moi dans l'unique espoir que je te rende la politesse ensuite ?

— Non, je suis venu avec toi parce que je trouve qu'on devrait profiter de cette journée pour s'amuser ensemble, pas juste chacun dans notre coin.

— T'as envie de t'amuser avec moi ?

— Non, ironisa Hoseok, je suis venu ici avec toi parce que j'avais vraiment hâte qu'on se fasse chier ailleurs que dans notre chambre. Tu sais, un peu comme un héros de dessin animé : Yoongi et Hoseok s'emmerdent à l'hôtel, Yoongi et Hoseok s'emmerdent au centre commercial, Yoongi et Hoseok s'emmerdent au parc, Yoongi et...

— Ta gueule, j'ai compris, je viens avec toi.

— Ouiiiii !

— Gamin... »

Sans attendre, Hoseok lui agrippa le bras et le tira à sa suite. Ils passèrent de longues minutes devant chaque rayon, et si d'abord Yoongi se sentit stupide de se trouver au milieu du coin enfant avec un autre jeune adulte, peu à peu il réussit à s'émanciper de sa honte.

« J'avais ça quand j'étais petit ! s'émerveilla Hoseok. Et toi, hyung, tu jouais à quoi ?

— Ça, affirma Yoongi en tendant l'index pour désigner un pistolet en plastique avec ses balles en caoutchouc, et si je pouvais je te tirerais bien dessus avec.

— Tu préfères pas ça ? »

Et sur ces mots, Hoseok lui tendit une épée en mousse. Yoongi s'en saisit et la considéra d'un œil dubitatif. Il s'apprêtait à reprendre la parole quand il pousse un couinement.

« Putain, mais pourquoi t'as fait ça ? grommela-t-il alors que Hoseok, une seconde épée à la main, affichait un sourire fier après lui avoir donné un coup sur le crâne.

— J'ai gagné, t'es mort !

— Tu... alors tu veux vraiment jouer à ça ? »

Avant même que son ami ne réponde, Yoongi lui asséna un coup dans les côtes.

« T'es mort, j'ai gagné, rétorqua-t-il.

— Ok, c'était mérité, admit Hoseok. Maintenant, une partie à la loyale.

— Volontiers. »

Parce que peu de clients se trouvaient dans ce coin du magasin, les deux garçons disposaient de toute la place nécessaire : ils s'écartèrent, épée tendue devant eux, et après un échange de regards, ils décomptèrent ensemble de trois à zéro. Alors la bataille fut lancée : coup après coup, Yoongi et Hoseok virent leur journée s'illuminer. Le duel s'acheva quelques dizaines de secondes plus tard sur une victoire du plus jeune qui parada, fier comme un coq.

« T'as vu, hyung, c'est qui le meilleur ?

— Tu m'as atteint une fois, moi deux.

— Oui, mais une fois au cœur veut mieux que deux aux jambes.

— Donc on dit que t'as gagné mais que maintenant tu dois marcher sur les genoux ? T'as pas gagné en entier, quoi, t'as quand même deux morceaux de jambes qui ont perdu.

— C'est ça, rigole, n'empêche que j'ai gagné. D'ailleurs... tu te défends bien, affirma Hoseok en reposant leurs deux épées là où il les avait trouvées.

— Merci, toi aussi. »

Hoseok lui offrit un sourire resplendissant, et Yoongi reporta aussitôt son regard sur les jouets en mousse, embarrassé. Ils partirent du rayon peu après, enchaînant avec celui des arts créatifs et des beaux-arts, où ils traînèrent encore. Ils quittèrent le magasin ensuite, sans rien acheter.

« Pour un mec super friqué, t'es pas très dépensier, remarqua Hoseok avec une moue dubitative. J'avais imaginé que tu t'achèterais un album de rap, ou bien des vêtements à l'autre boutique.

— Ah... bah non. J'en ai pas besoin. J'ai assez de vêtements et j'ai pas le temps de me poser pour apprécier un album.

— T'as pas de voitures de collection ?

— Non.

— Tes vêtements, c'est des vêtements de luxe ?

— Non plus, j'achète des fringues parce qu'ils me plaisent, pas parce qu'ils coûtent l'équivalent d'un mois de salaire pour une personne moyenne.

— Pourquoi tu profites pas de ta richesse ?

— Je sais pas... j'en ai pas envie, répondit Yoongi dans un haussement d'épaules. Ça me fait pas rêver, faut croire.

— Ça te fait pas rêver ? T'es sérieux ?

— Si je m'achetais un album... je l'écouterais seul dans ma chambre, et ça me donnerait l'impression d'être plus seul encore. Si je m'achetais de beaux habits, je me regarderais dans mon miroir, et j'y apparaîtrais seul. Si j'avais une grande maison, une grande voiture... il y aurait trop de place pour que j'en vienne pas à penser qu'il me faudrait quelqu'un avec qui la partager. Depuis que ma mère et mon père se sont séparés et qu'elle m'a laissé à lui dans l'espoir qu'il m'offre un train de vie qu'elle ne pourrait jamais m'offrir, depuis qu'elle m'a laissé avec lui pour que je sois riche, je me suis jamais senti si pauvre. J'ai perdu tout ce qui comptait, tout ce qui avait de la valeur à mes yeux. Donc non, je dépense pas beaucoup... peut-être parce que j'ai peur de devenir comme mon père, mais sûrement aussi parce que je sais que quoi que j'achèterais, je me sentirais encore plus mal après. »