Chapitre 62 : Abigail et Abigail

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- Rassieds-toi, mon garçon, ordonne Powell à l'intention de Peeta, qui lève les yeux au ciel mais obéit. 

- Bon. Nous allons donc tuer la reine. Evidemment, cela se fera sans douleur. On l'endormira avec une seringue, tout simplement, dit Owens comme s'il parlait à des gosses de 6 ans en larmes devant le vétérinaire qui va piquer leur hamster. Des questions ?

- On peut protester ? demande Peeta.

- Non.

Je vois sa mâchoire qui se contracte et il croise les bras. Je le comprends. Il a deux adultes devant lui qui projettent de faire mourir sa mère, et il n'a pas son mot à dire. Et en fait, moi non plus, je ne suis pas trop d'accord. Je ne me souviens pas d'Abigail, elle est morte quand j'étais bébé, mais... c'est ma mère, quoi. Peu importe qu'elle soit la femme de la personne contre qui on se bat. C'est ma mère, et je ne veux pas qu'on la tue.

- Très bien, dit Peeta en soupirant. On va tuer ma mère. Parfait.

- Bon... fait Powell, le prenant au premier degré. Si personne n'y voit d'objection, nous allons... le faire maintenant.

Je me mords la lèvre supérieure si fort qu'un goût métallique fond dans ma bouche.

* * *

Le docteur Sam Owens pousse une porte battante et nous le suivons dans les couloirs vides et sombres de l'étage de soins intensifs. Bientôt, il dit :

- C'est là.

Il ouvre la porte, laissant voir une petite chambre d'hôpital très simple. Une personne est couchée dans le lit et sa pâleur cadavérique se distingue à peine des draps. Elle a la peau ridée, les cheveux secs, ternes et abîmés. Ma mère. Je broie les doigts de Cinq, j'en suis bien consciente, mais lui-même a l'air trop absorbé par le spectacle pour s'en rendre compte.

Abigail penche la tête sur le côté et entrouvre les yeux. La reine d'Erlar, devant nous, vulnérable, abandonnée à son sort et dénuée de la protection de sa cour que son poste hiérarchique lui permettait.

- Oh, souffle-t-elle. Bonjour.

Elle a l'air si paisible, comme ça. Peeta ouvre la bouche mais elle continue de parler, et il est obligé de se taire pour que l'on puisse entendre ce qu'elle dit.

- Vous êtes là pour me tuer, n'est-ce pas ? Ne faites pas les innocents. Je suis vieille, je sais, mais pas gâteuse. Je me souviens très bien d'avoir été enlevée dans mes appartements, et je ne pense pas que ce soit seulement pour me faire faire une petite visite guidée de votre bunker.

Il n'y a aucun ton de reproche dans sa voix, seulement de la douceur, et une once de malice, ce qui me tord le cœur.

La reine semble remarquer ma présence et me sourit faiblement.

- Voici ma petite Jennifer. Enfin, « petite » ... ce n'est plus le bon mot. Approche-toi donc, que je te voie mieux.

Je m'exécute, mal à l'aise, et lâche la main de Cinq à contre cœur, qui me pousse vers elle en appuyant ses doigts au creux de mes reins avec un sourire encourageant.

- Bonjour, maman, je dis d'un ton que je veux aussi neutre et assuré que possible.

Mais ma voix se brise et je dis le dernier mot d'une façon étranglée.

- Je suis heureuse de te voir être devenue aussi grande et jolie comme ça. Je t'ai seulement connue toute bébé, tu sais ?

Je ne réponds pas parce que je sais que, sinon, je vais fondre en larmes devant tout le monde. Alors, je lui souris simplement et recule pour retrouver ma place entre Cinq et Peeta.

Erlar || TUA 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant