Chapitre 1 : Plie-le

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PDV VIKTOR 

Je pousse la lourde porte de verre et j'entre dans le bâtiment. Ca sent le désinfectant et le chewing-gum. Je connais cette odeur par cœur puisque je viens ici deux fois par semaine. Mais là, c'est fini. J'espère. Je sais que Maria et Devie ne seront jamais d'accord pour que j'arrête ma thérapie, alors j'ai écrit un faux papier disant que je l'arrête définitivement pour raisons personnelles. 

J'ai beau essayer de convaincre les gens que j'ai 35 ans, je sais que c'est difficile de le croire. J'en fais 16, pas plus. 

Il y a un an et demi, Maria, une gentille dame assez âgée, m'a vu traîner dans les rues et a pensé que j'étais, je cite "un gamin qui a fugué". Alors elle et son mari m'ont adopté. C'est chelou car ils me traitent comme un enfant mais bon. C'est mieux comme ça, j'imagine. 

J'arrive dans la salle d'attente d'un blanc qui me fait mal aux yeux et je m'assois sur un siège en plastique. Je relis encore une fois le faux mot que j'ai écrit.  J'ai parfaitement imité la signature de mes tuteurs, on n'y voit que du feu.

La salle est déserte, à l'exception de la personne en face de moi. C'est une fille assise en tailleur en train d'écrire des trucs sur ses Vans avec un marqueur. Elle pourrait se faire arrêter pour ça. On n'a pas le droit de customiser ses affaires, de porter des choses trop colorées, de se teindre les cheveux, de se faire tatouer. Sinon, c'est deux ans de prison et 1000 dollars d'amende. Et... disons que, avec ses Vans jaunes couvertes de graffitis colorés, son sweat bleu ciel et son jean blanc large, cette fille enfreint presque toutes les règles. Mais ce n'est pas mon problème. 

- Tu devrais le plier. 

Je relève la tête. C'est elle qui vient de me parler.

- De quoi tu... 

- Ton papier. Pour que ce soit plus crédible. Ta mère te le donne, tu la remercies, tu le plies en quatre, le fourre dans ta poche, et avant ta consultation tu le ressors. Là, on dirait plutôt qu'elle te l'a donné sur un plateau d'argent. 

- C'est un vrai mot. 

Elle a un petit rire d'exaspération. 

- Mais bien sûr. 

Je baisse les yeux sur mon papier puis vers la porte close du cabinet. Je le plie discrètement puis le déplie. Des plis sont apparus et c'est vrai que ça paraît mieux. 

- Ne me remercie pas, surtout, lance la fille.

Elle retourne ensuite à la décoration de ses baskets. La porte s'ouvre. La psy entre.

- Viktor, c'est à toi. 


Je sors enfin de la salle de consultation 10 min plus tard. Mon plan est passé crème. 

La fille "colorée" est toujours là et, quand elle me voit partir, attrape son sac à dos et m'emboîte le pas. Je n'y prête pas attention mais, quand je vois qu'elle est toujours là à la sortie, je me retourne, énervé. 

- Pourquoi tu me suis ? 

Elle hausse les sourcils comme si c'était évident. 

- Je suis venue te chercher ! 

Erlar || TUA 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant