/🐺/ Pas de raviolis pour le loup

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Il me fixe dans le blanc des yeux. Rien ni personne d'autre. Seulement moi. Mes yeux. Mes pupilles.

Mon âme.

On échange nos pensées quelques instants. J'ai l'impression qu'il lit en moi comme dans un livre ouvert, tant la surprise doit être évidente sur mon visage. Quant au sien, il est... neutre ? On ne voit jamais de loup sourire ou être triste. Une seule expression pour toute la pléiade d'émotions qu'il doit vivre au cours de sa vie. Pourtant, vu la manière dont il me fixe, je devine qu'il est également surpris. Non... Intrigué plutôt. Intéressé.

Mais pourquoi je fais son portrait psychologique moi ? Il y a un putain de loup dans ma rue ! Est-ce que c'est ça le fameux avertissement que Grand Ours m'avait donné ? Peut-être qu'une fois la nuit tombée, les animaux se baladent librement. Non, c'est sûrement juste une coïncidence. J'habite à côté de la forêt, c'est normal qu'il y ait des bêtes sauvages après tout. Je dois me ressaisir !

Il tourne le regard puis se met à courir sur le trottoir avant de disparaître de mon champ de vision. Un frisson me traverse. C'est comme une araignée. On est terrifié quand on la voit, mais la vraie peur commence quand on ne la voit plus.

Je repense aux griffures dans ma cuisine. Et si ce loup voulait rentrer chez moi ? Dans une panique illogique, je me lève à 100 à l'heure de ma chaise et me mets à courir vers la porte avant de vérifier qu'elle est bien fermée à clé. Je me précipite ensuite dans le salon et m'assure que les fenêtres soient verrouillées. Mes jambes réfléchissent plus vite que ma tête alors que je fonce dans le couloir et pars vers les baies vitrées. Puis la salle de bain. Puis le chambre. Jusqu'au garage.

Tout est bien fermé et verrouillé. Personne ne peut rentrer. Je suis en sécurité.

Je tente de calmer ma respiration et mon cœur qui se sont emballés et produisent une musique au rythme effréné dans tout mon corps. Je repasse devant les portes-fenêtres qui mènent à mon jardin. Les énormes épicéas semblent bien plus menaçants maintenant qu'ils baignent dans l'obscurité, les transformants en démons dansants avec un petit peu d'imagination. Une petite ombre qui passe me glace le sang. C'est le loup, j'en suis sûre ! Il s'arrête un instant, puis repart. Sans même avoir vu son visage, je sens qu'il a posé son regard sur moi. Et bordel j'aime pas ça du tout ! Je ne veux pas qu'il m'observe ! Encore moins chez moi ! J'ai l'horrible sensation que ses yeux percent mon âme et toute mon intimité, qu'ils me traversent comme une longue lame aiguisée et tordue.

Je n'ose même pas ouvrir la porte-fenêtre pour fermer le volet, terrifiée à l'idée que la bête me saute dessus ! Je sais bien que les loups ne sont normalement pas méchants et que les histoires de nos enfances sont très caricaturales. Mais je ne sais pas, j'ai comme l'impression qu'il ne s'agit pas d'un loup normal. Déjà parce qu'il m'a vraiment fixé d'une drôle de manière et ensuite parce qu'il a fait le tour de ma maison, comme pour chercher une entrée.

Peut-être devrais-je appeler la police ? Non, ce genre d'évènement doit être monnaie courante ici, les appeler ne servirait à rien... Puis je viens d'arriver, je ne veux pas me faire remarquer. Je dois juste être fatiguée... Mais... J'entends quelque chose. Un bruit strident et désagréable. Cela vient de ma porte d'entrée... Se pourrait-il qu'il soit en train de gratter ?

C'est en tremblant légèrement que j'attrape mon téléphone et prie tous les Dieux pour avoir du réseau. Je manque de le faire tomber par terre dans la précipitation. Je compose le 911 fébrilement, en hésitant. Mais les bruits persistent et s'intensifient. Il ne peut tout de même pas rentrer dans la maison, c'est impossible... ?

« Oui allo ? »

C'est un homme qui me répond, presque en bâillant.

« Oui bonsoir, il y a un loup qui essaye de rentrer chez moi !

Là où le diable se terreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant