June nous a écouté raconter toute l'histoire avec une passion que je n'ai jamais vue. Elle a même pris des notes, pour dire à quel point elle s'est investie. Aucune question, seulement des gribouillis sur son carnet sans nous lâcher du regard.
Lorsqu'enfin notre résumé se termine, sa première réponse est sans équivoque :
« Pourquoi vous m'avez pas appelé plus tôt ?! »
Je laisse l'honneur à Adam ou Charly de lui répondre. Lui détourne le regard et elle ne sait pas franchement comment aborder le sujet.
« Honnêtement ? On cherchait plutôt un moyen de... les tuer. Et on sait que–
— QUOI ?!
— Voilà, c'est pour ça.
— Mais maintenant on a compris que c'est pas forcément la meilleure option ! »
Adam se penche en arrière et me regarde avec une incompréhension presque comique. On dirait que je viens de pisser sur son bureau. Il finit par poser cette fameuse question : « Comment ça ? »
Encore une fois, mon amie et moi nous regardons. Elle décide de prendre la parole pour extérioriser nos pensées.
« Est-ce que t'as senti quelque chose de particulier dans le cri des Ohanzees ?
— À part mes tympans qui se liquéfient, non pas vraiment.
— Je sais pas trop pourquoi, mais moi et Emily on a senti des... des émotions. »
June remet ses lunettes correctement et couche tout sur papier. Je reprends devant l'hésitation de la guéparde.
« Dans la salle aux cubes, c'était surtout de la colère. Comme s'ils étaient enragés d'être enfermés. Puis dans l'incinérateur, l'Ohanzee souffrait. Je sais pas trop comment l'expliquer, mais on le sentait ! Et c'est pas la première fois que ça m'arrive depuis que je suis ici. Chaque fois que j'entends leurs cris, j'arrive à percevoir quelque chose.
— Je le savais ! s'écrie June.
— De ?
— Qu'ils ressentent des émotions ! Tout le monde est persuadé que c'est juste des créatures démoniaques qui n'ont pas d'âme, à la manière d'un pantin. Mais c'est une technique millénaire pour ne pas sentir de culpabilité à faire souffrir d'autres êtres vivants dans notre propre intérêt, comme avec l'esclavagisme où l'église prétendait que les personnes venant du continent africain n'avaient pas d'âme et que leur vie n'avait donc aucune importance, les rabaissant au rang d'objet.
— ... Et pourquoi est-ce qu'il n'y a que vous deux qui ressentaient ça ? Vous n'êtes pas juste un peu trop sensibles ?
— C'est peut-être à force d'être dans le fond de la bibliothèque ? réponds Charly.
— Non, je ne pense pas. Je l'ai senti dès mon premier jour ici, quand je t'ai rencontré au diner.
— Moi ça me faisait rien à l'époque dit la guéparde. C'est quand même bizarre. Après j'ai peut-être jamais fait attention.»
On se tourne vers June qui ne parle plus et semble réfléchir. Elle finit tout de même par prendre la parole, prête à illuminer nos lanternes.
« J'ai peut-être quelques réponses. Si tout ce que vous me dites est vrai, on est dans un sacré bourbier. On est d'accord que les Wakizas n'ont jamais trouvé le moyen d'occire les Ohanzees et qu'ils se contentent de les transformer en cendre pour les enfermer. Le problème c'est qu'ils reviennent toujours, et cela malgré presque deux centenaires de chasse intensive. Si on part du principe que les Ohanzees étaient à la base une tribu amérindienne ils devaient être quoi, quelques centaines ?
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Là où le diable se terre
ParanormalEmily va accepter un poste de bibliothécaire de l'autre côté des États-Unis, dans une petite ville portuaire de l'Oregon pour prendre un nouveau départ. Alors qu'elle y emménage avec l'intention de vivre une petite vie paisible, loin des tumultes de...