/🔳/ ... pendant que le loup n'y est pas.

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La vieille scierie est vide. Ou presque.

En suivant les traces de pneus, on est arrivé à une très grosse trappe étonnamment moderne par rapport à l'apparence du bâtiment. On se retrouve alors face à un digicode.

« J'avais pas prévu ça.

— En même temps on n'allait pas y rentrer comme dans un moulin réplique Adam dont sa tête tourne dans tous les sens pour s'assurer que personne ne nous observe.

— Laissez faire la professionnelle. » envoie Charly avec une confiance démesurée en ses capacités. La guéparde se met sur ses pattes arrière pour atteindre l'appareil et tape un code avec ses griffes : 0606.

La trappe s'ouvre.

« Ma date de naissance ! Paps s'en sert comme code un peu partout.

— Ouai c'est bien ça, 2006 plaisanté-je.

— N'importe quoi, 6 juin 2005 ! »

Moi qui disais ça pour rigoler, je me prends une claque. J'ai tendance à oublier son âge et qu'on a tout de même 6 ans d'écart. Un haut-le-cœur m'attrape à la gorge sans crier gare. L'odeur de cette cave est infecte.

Un escalier étonnamment grand –on pourrait presque y faire passer un camion– s'enfonce dans l'obscurité. Après un petit cliquetis suivi d'un grésillement, des néons aveuglants s'enclenchent pour dissiper les ténèbres. Mais le résultat n'est pas forcément plus rassurant.

Tout est en béton gris, sauf les marches d'un noir parfait et vertigineux. On aurait presque l'impression que le néant va nous avaler si l'on ose poser un orteil sur cet escalier.

On s'échange un regard tous les trois, cherchant un brin de motivation. Puis Charly prend les devants et décide de rentrer dans la gueule du loup. Et à notre grande surprise, elle ne tombe pas au travers de l'espace temps et se contente de descendre, suivie d'Adam et moi-même alors que l'espèce d'immense trappe se referme derrière nous.

C'est seulement en bas qu'on réalise que l'escalier n'est pas censé être noir. On le comprend très vite lorsque l'on aperçoit une trainée noire se diriger vers une première porte que l'on ouvre.

On tombe nez à museau avec un gigantesque incinérateur. Rien que sa porte doit faire 6 pieds de long et de large. Et contrairement au reste de la salle qui est étonnamment moderne, l'engin de malheur semble sortir tout droit de l'aire industrielle.

Il est en briques rouges, renforcées par d'immenses barres de fer qui entourent la machine, formant un quadrillage. Une sorte de gigot d'agneau en somme. L'immense grille par laquelle doivent être insérés les Ohanzees n'est pas moins impressionnante : en acier forgé et noirci par les flammes, elle semble incassable. J'ose à peine imaginer son poids, elle me tuerait à coup sûr si elle me tombait dessus.

La cheminée n'est pas en reste. Elle aussi en brique, elle s'engouffre dans le plafond pour sortir dehors, juste derrière la scierie. Tout aussi imposante que le reste de l'engin.

C'est une sacrée machine. Une machine qui diffuse une odeur de mort, au sens propre comme figuré, remplissant nos narines de cette tragédie ancestrale.

Je vois au travers de la grille que le sol est en pente, menant à une petite gouttière. J'imagine que cela sert à récupérer les cendres, même si j'ai du mal à comprendre pourquoi ils voudraient les collecter. Après tout le sol est déjà couvert de sang, quelques cendres ne vont pas changer grand-chose. À moins qu'elles aient des vertus particulières ?

Une fois ce monstre analysé avec le respect qu'il mérite, nous retournons sur nos pas pour ouvrir une autre porte. Moi qui m'attendais à tomber sur une cave aux horreurs, on en est en réalité bien loin. Même si on sent que l'endroit n'est utilisé que par des hommes –bordel quelle odeur !–, c'est étonnamment propre et organisé. Pas vraiment l'image que je me faisais d'un repère de militaires bourrés à la testostérone.

Là où le diable se terreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant