/🦢/ Deux grosses mouettes

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Il dit quelque chose. Mais je n'entends plus rien.

Je...

Je me revois.

Lorsqu'il m'attrapait les poignets.

Comment pouvais-je me défendre ? Un demi-pied et 60 pounds de plus que moi. Surtout beaucoup plus de muscles. Et le pire, c'est que même si j'avais été en capacité de l'arrêter, je ne suis pas sûr que je l'aurai fait. Je pense que je l'aurai laissé faire. Car je l'aimais. Car... Je l'aimais trop. Beaucoup trop. Comme si je le cherchais. Comme si inconsciemment je voulais qu'il me maltraite. Qu'il m'use. Qu'il me...

Quelqu'un me prend par les épaules. Je reviens à moi. Je tremble comme une feuille. Et je crois que je pleure aussi. C'est Charly qui est face à moi. Elle est... inquiète ? Je crois. Les autres me regardent aussi. Je sanglote à chaude larme.

Je ne sais pas quoi dire. Je ne sais pas quoi faire. J'ai juste envie de disparaître.

De mourir. Là, maintenant.

Je me sens tirée. Mes pieds marchent tout seuls. Et sans que je comprenne réellement comment, je me retrouve seule avec Charly. Je crois qu'elle me prend dans ses bras. Alors mes vannes s'ouvrent et le barrage cède, trempant mes joues et les épaules de mon amie. Je l'enlace et la sers aussi fort que possible comme si j'avais peur qu'elle s'envole.

Et on reste là. Pendant un long moment. Mes larmes finissent par s'arrêter de couler et ma vision redevient nette, mais ma perception du monde reste légèrement floue. Mais je crois que c'est juste le cannabis qui fait effet.

J'aperçois l'océan. Immense. Mon cerveau se demande pendant un dixième de seconde si c'est moi qui aie pleuré tout ça. Mais non, c'est toujours ce bon vieux Pacifique.

On n'est pas très loin du bord de la falaise. Je ne vois personne d'autre. Seulement la tête de Charly posée sur mon épaule et moi. Je passe ma main sur mon front. Elle est toujours là... Je sais que c'est normal qu'elle mette du temps à partir. Mais... Mais ça va être long. Terriblement long.

Je sens les bras de Charly se resserrer autour de ma taille. Je n'en reviens toujours pas des muscles qu'elle a. Ils sont vraiment bien cachés.

Comme si elle avait compris que ma crise se calmait, elle dit doucement : « Comment tu te sens ? »

Je ne tremble presque plus. Je relâche la pression et elle recule instantanément avant de me regarder avec un petit sourire sincère et bienfaisant sur son visage. Je garde les yeux au sol, mélangée entre la honte et la tristesse. L'impression que je ne m'en sortirais jamais reste plantée dans mon ventre et sur mon front. Une blessure infectée qui ne guérira peut-être pas.

Charly tend alors la main. Sans vraiment réfléchir, je la prends. Elle m'emmène près du bord de la falaise, puis s'assoit sur un rocher, les pieds complètement dans le vide. On doit être à 25 ou 30 yards de haut. Les vagues se fracassent en contrebas sur les rochers pointus et probablement tranchants. Encore une fois, sans trop réfléchir, je m'assois à côté d'elle, en m'éloignant le plus possible du bord, les bras bien en arrière.

« Tu sais pourquoi les guépards ont des larmes noires sous leurs yeux ? »

Je ne dis rien. Elle sait que je l'écoute.

« Quand tous les animaux sont arrivés sur la terre, la guéparde a cherché des amis de son espèce. Alors elle est allée voir le lion. Mais le lion n'a pas voulu d'elle, car elle était trop différente de lui et parcequ'elle avait des griffes non rétractiles, comme les chiens.

Alors elle est allée voir un groupe de chien sauvage. Mais eux aussi n'ont pas voulu d'elle, disant qu'elle ressemblait trop à un félin. Ils l'ont coursé et chassé à leur tour, jusqu'à la faire fuir.

Là où le diable se terreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant