/🥩/ Barbecue

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Le brame d'outre-tombe est accompagné par des insultes et autres plaintes. On essaye tant bien que mal de deviner la scène, laissant nos yeux au placard pour nous concentrer sur ce que l'on entend. Une masse dégringole l'escalier et s'écrase en bas dans un hurlement qui me déchire le cœur.

J'arrive à ressentir sa douleur. Comme s'il s'agissait d'un animal des plus banal. Voire même d'un humain.

C'est à peine si l'on réussit à comprendre ce que disent les wakizas derrière le raffut de leur prise. Je parviens tout de même à entendre un mélange de banalités et de jurons. On dirait des éboueurs qui discutent de bon matin, sans faire attention à l'ordure qu'ils s'apprêtent à brûler.

Dans l'incinérateur. Juste en face de nous.

Quand l'épaisse grille couine et que les tasers se mettent à chanter, on s'échange un regard inquiet avant d'analyser le mur de brique face à nous. Je pense qu'on se pose tous les mêmes questions : à quelle température chauffe un incinérateur ? Est-ce que la brique isole bien la chaleur ? Est-ce que j'ai réellement envie de finir en steak grillé ? Tant d'interrogations auxquelles nous allons vite avoir la réponse. Pour le meilleur ou pour le pire.

La grille se referme et avec elle, l'espoir de la créature qui redouble de puissance dans ses hurlements bestiaux et interminables. On se bouche les oreilles comme on peut, mais nos mains, pattes et autres plumes sont bien insuffisantes pour arrêter une telle force de la nature. Force qui impose une forme de respect en moi. J'en viens à avoir de la pitié pour cette créature, ses appels à l'aide touchent ma corde sensible avec une précision remarquable. Seul Adam reste de marbre, ses plumes enveloppant sa petite tête. Charly me parait émue, tout comme moi. Je crois même qu'elle... pleure ?

J'ai l'impression que la créature sait ce qui l'attend. Qu'elle comprend ce qui est en train de se passer. Mais cela ne semble pas particulièrement affecter les Wakizas qui lui demandent gentiment de « Fermer sa gueule ! » À croire que ça les amuse plus qu'autre chose. Et c'est sans sourciller qu'ils déversent une tornade de flammes sur l'animal.

Il frappe de toutes ses forces les murs de la cage de brique, en vain. Les cris de résistance diminuent puis se transforment en râles d'agonie, jusqu'à ce que le silence l'emporte. Il ne reste plus que le bruit des flammes et des petits craquements, comme une biscotte que l'on écraserait en plein de petits morceaux.

Une goutte de sueur part de mon front, descend le long de mon nez puis finit sa course sur mes lèvres. C'est le petit goût salé qui me ramène sur terre. Comme on s'en doutait, la chaleur a drôlement augmenté en quelques dizaines de secondes. Secondes qui deviennent des minutes. J'essuie mon visage qui dégouline. Charly me fait un clin d'œil en guise de pouce en l'air. Mais Adam, posé sur son dos, a les yeux clos et penche dangereusement. Je l'attrape juste avant qu'il ne chute et me mets dos à l'incinérateur, dans une vaine tentative de protéger la petite créature blanche du brasier insatiable.

Changer de côté me soulage un moment. Mais face à cette exécution qui s'éternise, la douleur s'accentue. Je cale Adam sur mon avant-bras et mords mon poignet restant pour m'empêcher de hurler. Est-ce que ma peau est encore là ? J'ai l'impression qu'elle cuit, littéralement. Et ça continue. Le supplice n'en finit pas. Je meurs d'envie de courir loin de cette fournaise. Mon instinct de survie me le hurle en boucle, sauf que ce signal ancestral ne vient pas de ma tête cette fois-ci, mais de mon corps. Je me sens partir, persuadée que mes muscles sont à l'air libre et que ma peau liquéfiée a fusionné avec mon t-shirt.

Charly me donne un coup de tête qui m'extirpe des flammes de l'enfer. Nul besoin de télépathie pour comprendre son regard. Elle me dit très clairement de m'éloigner, quitte à ce qu'on se fasse prendre. Je n'ai jamais vu une telle panique dans ses pupilles, même face aux Ohanzees. Elle en vient à me pousser, complètement paniquée lorsque le sifflement cesse enfin.

Là où le diable se terreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant