/🚃/ Terminus : la décharge

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Après une bonne heure de discussions diverses et variées, on arrive enfin à destination. Je le réalise seulement maintenant, mais Charly et moi communiquons avec une facilité déconcertante. On n'a pas besoin de réfléchir à un sujet de conversation, les mots viennent et s'enchainent tout seuls. C'est tellement fluide, à croire qu'on est amis d'enfances.

L a soirée-matinée se déroule au milieu de nulle part. On a traversé le quartier neuf au nord pour arriver dans la forêt, puis on est monté en haut d'une espèce de petite colline en bord de mer. Cela ne fait aucun doute qu'on pourrait entendre les vagues s'écraser contre la falaise si l'air n'était pas infesté par cette musique pop-rap sans goût hurlée au loin.

Lorsqu'on arrive enfin, je réalise que ce n'est absolument pas ce à quoi je m'attendais.

Le lieu est une sorte de squat. Non, c'est un squat. J'ai l'impression que c'est un peu la déchèterie de la ville, mais qui a été visiblement réaménagée.

Et c'est étonnamment propre. Je ne sais pas comment expliquer ça, mais bien que tout soit composé de déchets, on sent que l'endroit a été réfléchi et travaillé. Une vieille voiture des années 50 ? Le coffre a été arraché, des coussins posés et voilà un canapé ! De vieilles palettes de chantiers cassés ? Le bois a été récupéré pour en faire des tables ! Alors même si des bouteilles de bière vides trainent et que le sol n'est fait que de terre battue, je trouve que ce n'est pas du si mauvais travail.

Au premier coup d'œil, je vois une quinzaine de personnes. Au moins.

Ça me fait presque bizarre de voir autant d'êtres humains honnêtement. Comme une employée de zoo qui n'aurait pas quitté son travail depuis trop longtemps.

Nous avons à peine le temps d'arriver que tous les regards se posent sur nous. Non... Sur moi.

Certains tentent de m'observer discrètement, d'autres me fixent purement et simplement.

J'aimerais disparaître, me désintégrer, devenir invisible, pouvoir m'envoler... Mais vu que je n'ai que mes pieds, je reste là, droite comme un piqué, ne sachant pas comment réagir. Heureusement Charly prend les choses en main et me fait sursauter tant elle se met à parler fort : « Et beh les gars, moi aussi j'aimerai bien qu'on me mate avec autant d'attention, dites-moi si je vous emmerde ! »

Quelques sourires se dessinent et les yeux retournent à leur place initiale. Mes épaules se relâchent alors qu'un poids semble s'être envolé. Je la regarde et hoche la tête pour me remercier, puis elle me prend par la main et m'entraine avec elle je ne sais où.

***

Un train.

Enfin, plusieurs wagons de transport de marchandises.

Il n'y a pas de rails et pourtant ces géants de fer sont bien là. Quatre, pour être exacts. Ils forment un carré dont le centre est marqué par un feu de camp. C'est visiblement l'épicentre du lieu avec tout un tas de sièges artisanaux : pneus empilés, chaises réparées au scotch, canapé aux ressorts apparents. La musique est moins forte ici, comme pour permettre à tout le monde de discuter sans hurler. Trois des wagons sont ouverts des deux côtés, comme des immenses portes qui invitent le vent à alimenter le feu. Quant au 4ème, Charly m'a expliqué que c'est un "aquarium". Je ne comprends pas trop l'utilité, peut-être pour les personnes qui se transforment en animaux aquatiques la nuit ?

On s'est assises avec Charly et trois amis à elle. Honnêtement j'ai déjà oublié leurs prénoms, mais ils sont sympas. J'ai un peu du mal à m'insérer dans les conversations par moment, mais la guéparde humaine m'aide à chaque fois. Elle fait vraiment attention à ce que je sois à l'aise et c'est tellement agréable. Ça me change de mon ex et de ces abrutis d'potes qui parlaient pendant des heures comme si je n'existais pas...

Là où le diable se terreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant