Je pousse la porte qui produit un grincement plutôt désagréable. Les quelques personnes présentes tournent toutes leurs têtes dans ma direction avant de me dévisager avec une sévérité inattendue. Le même regard que la capitaine –ou que le loup maintenant que j'y pense–. Ils me déshabillent complètement avec leurs yeux, fouillant probablement au fond de leur mémoire pour savoir s'ils m'ont déjà vu quelque part. Mais non mes cocos, je suis la nouvelle de la ville, que cela vous plaise ou non !
Devant moi se trouve un comptoir qui fait presque toute la longueur du bâtiment avec des tabourets visés dans le sol. Ce genre d'endroit ne m'est pas inconnu, il y en énormément à Chicago. Avec la mode du rétro, nombreux sont ceux qui ont ouvert en essayant de donner une ambiance 60-70, tentant de reproduire cette patine qu'ont les vieux objets. Mais je sens bien que ce n'est pas le cas ici. Ils n'ont pas recréé la vieillesse par nostalgie. Tout est simplement extrêmement vieux.
Ce n'est absolument pas un reproche négatif ! On voit que tout est bien entretenu, tout propre et que les propriétaires chouchoutent cet endroit. Mais on sent que le mobilier et les murs ont du vécu. Comme toute la ville à vrai dire, ce qui lui donne son charme si particulier, si réel et authentique.
Un couple de vieux se trouvent tout au fond sur ma droite, leurs fesses vissées aux tabourets et leurs coudes au comptoir. Je sens bien que c'est leur place attribuée depuis des décennies. Et de par la façon dont ils me jugent, je devine que le moindre changement dans leur routine monotone doit faire l'effet d'une fausse note. Tel un bruit strident, brisant leur parfaite mélodie journalière aussi bien huilée qu'un coucou suisse.
Derrière le comptoir brillant où sont posés avec minuties du sucre et d'autres ustensiles, je vois une grosse femme. Encore une fois ce n'est pas péjoratif, je me contente de décrire la première chose qui me voit. Et elle, on ne peut pas vraiment la louper... Au moins 350 pounds. Elle a un long tablier blanc usé qui lui descend jusqu'aux genoux, longeant les deux bosses de sa poitrine et l'amas de graisse qui se trouve sur son ventre. Je ne peux pas vraiment la juger, si je travaillais dans un endroit comme ça, je prendrais sûrement du poids moi aussi.
Elle a les cheveux blonds, presque châtains, reliés derrière sa tête en formant une sorte de chignon négligé, laissant en libertés quelques mèches rebelles qui se baladent. Elle n'a pas l'air méchante du tout, son regard sur moi est plutôt... vide. Comme une vache qui regarde passer un train. Même si j'ose espérer être un peu plus intéressante qu'un train...
Elle était en train de parler à un adolescent avec un sac sur le dos. Je descelle quelques traits de famille entre leurs deux visages. Ils ont tous les deux de bonnes joues, bien que ce garçon ne soit absolument pas en surpoids. Une fois qu'il m'a scanné de haut en bas, jugeant probablement que je n'étais pas une menace, il se retourne puis fais un bisou sur la joue de sa mère par-dessus le comptoir avant de venir vers moi. Je m'écrase pour le laisser passer et il sort sans dire un mot, après m'avoir fixé une dernière fois.
Le long des fenêtres, de part et d'autre, se trouvent des tables avec des banquettes à première vue bien confortables. Je vois qu'au fond à gauche se trouve une fille en train de manger je ne sais quoi. Je crois bien que c'est la seule qui ne s'est pas retournée pour m'observer. Ou peut-être ne l'ai-je pas vu faire, tout simplement.
J'ai le choix entre aller à droite vers le couple de vieux que ma simple présence semble déranger au plus haut point, où aller à gauche vers une fille qui a l'air concentrée dans sa mastication. Je choisis donc la gauche sans grande surprise. Je m'assois sur une banquette, face à une table aussi brillante qu'un sou neuf. Que c'est confortable ici. Je réalise qu'une petite musique tourne en fond sonore, une vielle chanson qui pourrait sortir tout droit d'un juke-box. Mais non, ce sont bien deux petites enceintes accrochées dans les coins qui propagent ces mélodies d'un autre siècle.
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Là où le diable se terre
ParanormalEmily va accepter un poste de bibliothécaire de l'autre côté des États-Unis, dans une petite ville portuaire de l'Oregon pour prendre un nouveau départ. Alors qu'elle y emménage avec l'intention de vivre une petite vie paisible, loin des tumultes de...