Je me hâte vers eux puis pose l'immense boite par terre. Tous les regards sont rivés vers moi, me transformant immédiatement en tomate. Je suis habituée à ce qu'on me fixe depuis mon arrivée, mais pas par autant de personnes ! C'est drôlement intimidant.
Il y a de tout. Hommes, femmes, jeunes, vieux. Un beau mélange qui a l'air étrangement amical. Moi qui pensais que toute la ville voulait ma mort ! Mais cela n'explique pas vraiment la raison de leur venue.
Je réalise que Charly a déjà entamé la conversation. Mes yeux dévisagent une personne en particulier. Il doit s'agir du chef de ce groupe. Je ne sais pas vraiment comment l'expliquer, mais je le sens. J'imagine que c'est ça, avoir une tête de leader. Elle détourne son regard de Charly pour me mettre dans son viseur.
« Bonjour Emily. »
Je serre sa main sans même réfléchir. Un relent de dégout m'agrippe les tripes lorsque je prends le temps d'observer son visage.
J'ai une image qui apparait. Celle de l'autre enfoiré.
Je pense à lui tous les jours. Que ce soit une pensée furtive, un souvenir, un cauchemar. Il se manifeste sous toutes les formes. Mais je chasse son visage déformé par la colère, encore et encore, en priant pour qu'un jour je parvienne à l'oublier.
Mais cette poignée de main. Ce visage. Je ne saurai dire pourquoi, mais ça ramené mon ex dans mon subconscient. Ils n'ont pourtant aucune ressemblance. Elle a même l'air très gentille cette femme. Je ne comprends pas pourquoi elle me fait remonter cette ordure de la décharge où j'aimerais qu'il reste.
Comme lorsque l'ami de Charly m'a touché lors de cette fameuse soirée matinale. Cela n'a pas forcément de rapport. C'est juste un prétexte pour ce foutu trauma de me faire souffrir, encore et encore. Un châtiment bien cruel à mon humble avis.
« Je me présente, Viola, présidente du club des amoureux du jour.
— Adorateurs du soleil rectifie Charly, visiblement satisfaite de sa remarque qui semble agacer le groupe tout entier.
— Nous avons changé de nom il y a plusieurs décennies Charly, il faudrait te mettre à la page. »
J'hésite à me présenter, mais de toute évidence, toute la ville me connait désormais. En bien ou en mal.
C'est une femme d'une quarantaine d'années. Le genre mère de famille, qui a un petit travail sans importance. Juste ce qu'il faut pour ramener à manger aux enfants et pour partir en vacances une fois par an pendant l'été avec le break familial –qui est toujours conduit par le mari, sauf pour emmener les enfants à l'école le matin et les chercher le soir–. En bref, une ménagère du siècle dernier. Les cheveux blonds et frisés, le visage bienveillant et des habits parfaitement repassés avec une robe à fleurs qui ne fait ni trop décontractée, ni trop stricte. Elle dégage vraiment une énergie de mère, c'est difficilement explicable. Pourtant elle n'a strictement rien à voir avec la mienne, Dieu soit loué.
« Nous tenions à te donner notre soutien. On trouve tous que la manière dont te traitent les habitants depuis hier est absolument immonde.
— ... Merci. Mais vous êtes qui concrètement ?
— On est simplement des habitants comme les autres, à la différence qu'on essaye de vivre la journée avec notre forme humaine. Un peu comme toi finalement. »
Le silence qui s'en suit est si gênant et profond que l'un des membres se met à taper du pied pour combler le vide. Charly finit par sauver la situation, une fois de plus.
« Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, Emily vit la nuit, comme nous tous ! Il n'y a que vous qui faites chier votre monde.
— Facile à dire pour toi Charly, tu ne te transformes pas en phoque ou en requin toutes les nuits ! » réagit l'un des membres, suivis d'une vague d'approbation.
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Là où le diable se terre
ParanormalEmily va accepter un poste de bibliothécaire de l'autre côté des États-Unis, dans une petite ville portuaire de l'Oregon pour prendre un nouveau départ. Alors qu'elle y emménage avec l'intention de vivre une petite vie paisible, loin des tumultes de...