« Mais t'es sûre ?
— Oui, à 100%.
— Comment tu peux en être aussi sûre ?
— Je le sais, c'est tout.
— Mon père me dit toujours qu'on peut pas savoir si on aime ou pas tant qu'on a pas goûté.
— Nan, ça marche pas pour tout. J'ai jamais goûté de merde, pourtant je suis sûre que j'aime pas ça.
— J'rêve où tu viens d'me comparer à de la merde ?!
— Mmhmm... Oui. »
Bien fait pour sa gueule.
On est posé tranquillement chez moi à discuter. Je lui ai proposé de lui faire réchauffer un truc, mais elle veut avoir le ventre aussi vide que possible pour se mettre "minable". Vraiment pas le genre de soirée où j'aime aller. Ou "matinée" comme ils appellent ça...
Qu'est-ce que c'est stupide.
Mais en même temps, il faut que je sorte. Que je rencontre du monde. J'ai pas envie de rester coincée avec elle jusqu'à ma mort. Puis... J'ai pas envie de rater ma jeunesse. D'être là, à 50 ans, avec mon chat –pas Charly–, tout aigrie, à me dire que j'ai raté les meilleures années de ma vie. Je dois vivre ce que les autres jeunes vivent, au moins un petit peu.
Je n'étais pas vraiment le genre d'ado qui sortait ou qui buvait. Par timidité, par amour pour la solitude et tout simplement parce que je n'en ressentais pas le besoin. Puis quand j'ai commencé à sortir avec quelqu'un qui n'aimait pas me savoir dehors, ça me donnait une raison supplémentaire pour rester au fond de mon lit à lire. Mais juste pour lui faire un doigt d'honneur monumental, je dois vivre. Expérimenter. Quitte à ce que ça ne me plaise pas, je dois tenter. Comme dirait Charly, je dois goûter pour savoir si j'aime.
L'obscurité du ciel a laissé place à un bleu très foncé, puis plus clair tandis que le soleil semble se lever au loin. C'est probablement le moment où j'entendrais un coq hurler si on habitait au fin fond de la campagne. Et je m'en rends compte lorsqu'une étrange sensation me traverse le corps. Un frisson, qui part de toutes mes extrémités pour converger vers mes tripes et mon cerveau. Sûrement les trois cafés que je me suis enfilés. Cette sensation disparait très rapidement alors que j'aperçois Charly se lever du canapé où elle était installée de tout son long, sa queue tapant le rythme de la musique en fond sur mes coussins.
« Bon, c'est l'heure, tu permets que j'utilise tes toilettes ? »
... Merde. C'était pas le café.
Je l'ai senti. Que c'était l'heure.
Oh mon dieu faites que je ne finisse pas par me transformer en bestiole à poil ou à plumes, je vous en supplie !
« F ais comme chez toi. »
Puis connaissant l'animal, je me ravise.
« PRESQUE comme si c'était chez toi. »
Elle me lance un sourire puis s'enferme dans la salle de bain. Poussée par ma curiosité, je me dirige vers la porte sur la pointe des pieds et tends l'oreille. Mais à ma grande déception, je n'entends rien. Pas de cri ni d'os qui craquent. Un silence complet. Après une petite minute, la porte s'ouvre. Je n'ai pas le temps de faire semblant ou de m'enfuir, m'attendant à une remarque graveleuse de la part de ma stalkeuse préférée.
« T'es irrécupérable. Je peux avoir un peu de vie privée ou bien ? me sort-elle en souriant.
— C'est vraiment toi qui me dis ça ! L'hôpital qui tire sur la soupe populaire. »
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Là où le diable se terre
ParanormalEmily va accepter un poste de bibliothécaire de l'autre côté des États-Unis, dans une petite ville portuaire de l'Oregon pour prendre un nouveau départ. Alors qu'elle y emménage avec l'intention de vivre une petite vie paisible, loin des tumultes de...