Le convoi est reparti, immense chenille de fer et d'hormones. On a roulé à peine cinq minutes avant d'emprunter une route au milieu de nulle part. Elle nous a emmenés vers une grande usine protégée par la forêt. Le capitaine nous a expliqué que la richesse de la ville ne venait pas uniquement de l'intérieur et qu'elle avait fait des investissements dans le monde réel, comme cette fabrique de contre-plaqué qui servait aussi de planque.
C'est d'ailleurs lui qui a été reconnu par l'agent de sécurité. Un vieil homme presque aveugle qui a souri de toutes ses dents –celles qui restent– lorsque William a été suffisamment proche pour qu'il le reconnaisse. Il a ouvert au convoi sans remarques, probablement incapable de différencier un tank d'une Clio.
Nos véhiculent passent dans les parkings dédiés aux employés puis l'on se dirige vers un hangar que nous pénétrons. On descend –enfin– de nos engins de mort et l'immense porte du bâtiment se referme. Les wakizas retirent leurs habits avant d'enfiler des t-shirts et des jeans on ne peut plus banals. June et moi sommes restés à l'intérieur pour ne pas quitter le capitaine, Yéléna est déjà dehors, excitée comme une puce d'avoir enfin quitté le village tandis qu'Adam admire l'équipement militaire qui repose dans cette planque.
Une fois que tout le monde est prêt, on se regroupe en une masse informe pour faire une petite réunion. Elle commence par une minute de silence en l'honneur du wakizas qui ne reverra plus jamais sa famille. Cette minute est lourde, pesante. La pluie continue de s'abattre sur le toit du hangar, ce qui provoque un bruit de tous les diables, comme si Lucy continuait de se moquer de nous même hors de la ville.
Le capitaine assure ensuite que son corps sera ramené au village et honoré selon la tradition des gardiens, ce qui lève une approbation timide, presque honteuse. Tout le monde fixe le sol. La scène doit tourner en boucle dans leurs têtes, et avec elle les éternelles questions que nos regrets et nos remords nous renvoient chaque fois qu'ils en ont l'occasion.
Pour ma part, je me demande pourquoi le pneu a explosé. Est-ce qu'il s'agissait d'un ohanzee ? Ou bien le hasard ? Bien qu'au fond cela n'ait pas d'importance, je ne peux m'empêcher de m'imaginer à la place de ce gardien. Transformé en un lambeau de chair difforme alors que les milliards de cellules de mon cerveau commencent à mourir petit à petit, emportant avec elles tous mes souvenirs comme de la poussière balayée par une simple brise.
Mes poils s'hérissent à cette pensée. Je m'attends à sentir la main de Charly, mais non, rien. Seulement la fraicheur d'une matinée pas encore estivale.
« Vous autres, vous savez ce que vous avez à faire. J'attends un compte rendu toutes les deux heures. On se retrouve ici, demain matin à 9h pile. »
Les gardiens répondent à l'affirmative puis se dirigent vers une armée de camionnettes floquées au nom de l'usine avant de partir. C'est seulement lorsqu'on se retrouve seuls avec le capitaine que l'on réalise.
« 9h ?! Mais ça nous laisse moins de 24 heures pour trouver ce que l'on cherche !
— Si on se dépêche, on aura largement le temps. »
On grimpe dans une espèce de 4x4 à la peinture vert pastel avec un logo que je n'ai pas le temps d'observer. L'intérieur est drôlement confortable, mais surtout très mal rangé.
« Désolé, j'n'avais pas prévu de faire monter du monde la dernière fois que je m'en suis servi.
— C'est quoi comme véhicule au juste ? demandé-je en voyant l'imposante station de radio à l'avant.
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Là où le diable se terre
ParanormalEmily va accepter un poste de bibliothécaire de l'autre côté des États-Unis, dans une petite ville portuaire de l'Oregon pour prendre un nouveau départ. Alors qu'elle y emménage avec l'intention de vivre une petite vie paisible, loin des tumultes de...