« Donc, ça, c'est tout ce qu'il reste des Umpquas ? »
On se retrouve sur un nouveau parking. Celui d'un casino. Un petit casino. La folie des grandeurs de Las Vegas est bien loin. Cette vision est des plus déprimante pour June. Elle réfléchit d'ores et déjà à la manière d'annoncer cette triste nouvelle à son arrière-grand-mère.
« Si j'en crois Google, oui. Des Umpquas, mais aussi des Siuslaw apparemment. On devait être tellement peu nombreux que l'administration nous a regroupés. Il ne reste que ça, un club de golf et une dizaine de personnes qui font du canoé de temps en temps. Le rêve américain. »
Le chef nous balance cette liste avec un sarcasme si évident qu'il ne fait que surligner sa déception. Il devait s'attendre à quelque chose de plus grandiose, témoin d'une grandeur passée ou au moins proche de la culture de ses ancêtres. N'importe quoi, mais pas... ça. Un bâtiment gris d'une tristesse indescriptible, lieu d'addiction et de détresse pour les miséreux. Les chasseurs de bisons qui communiaient avec la nature se sont éteints il y a bien longtemps.
On passe les premières portes avant de se faire alpaguer par un vigile . Un grand gaillard aux origines afro-américaines. Je n'y aurais même pas prêté attention si mes trois comparses ne le fixaient pas comme le digne représentant d'une race extraterrestre.
« Tu crois aller où mon vieux avec tes quatre gamins ? »
J'ai bien envie de répliquer, mais à force, être traitée comme une gamine est devenue une habitude. En revanche, le capitaine n'a pas l'air d'apprécier qu'on le prenne pour un père de famille. Ce n'est cependant pas le bon moment pour rassurer son égo ou pour couper les poils blancs de sa barbe.
« On n'est pas là pour jouer, on souhaiterait s'entretenir avec Mr Watel. »
Pas très amérindien comme nom.
« Vous êtes quoi au juste, un genre de flic ?
— Si l'on veut.
— Vous avez qu'à appeler et prendre un rendez-vous.
— C'est-à-dire que nous sommes pressés.
— Et moi j'ai toute la journée pour vous empêcher de rentrer. »
Je sens un certain agacement du capitaine qui serre le poing, bien caché dans son dos. Pourtant son visage reste fondamentalement amical. Quel acteur.
« Nous sommes tous les cinq des descendants Siuslaw et–
— Oh, mais il fallait le dire plus tôt ! »
Son visage change du tout au tout. L'air de chien méchant forcé disparait pour laisser place à un grand sourire. Sourire qui, à mon humble avis, a pour but de nous faire oublier l'incident pour éviter un savon de la part de son patron. Il attrape son talkie-walkie et se met à parler à quelqu'un. J'en profite pour donner un coup de coude à Yéléna afin qu'elle arrête de le regarder avec toutes ces étoiles dans les yeux, la bouche entre-ouverte d'étonnement.
Un autre vigile débarque et nous accompagne. Je ne suis jamais rentrée dans un casino, mais je dirai que celui-là est tout de même assez bas de gamme. J'ai probablement regardé trop d'émissions sur les immenses buildings de Las Vegas, mon avis doit être biaisé. Cette omniprésence de lumières et de bruits extasie mes trois amis. Ils restent derrière à murmurer leur étonnement et leur excitation tandis que le capitaine et moi menons la marche. J'ai vraiment l'impression d'emmener trois gosses à Disneyworld pour la première fois de leur vie.
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Là où le diable se terre
ParanormalEmily va accepter un poste de bibliothécaire de l'autre côté des États-Unis, dans une petite ville portuaire de l'Oregon pour prendre un nouveau départ. Alors qu'elle y emménage avec l'intention de vivre une petite vie paisible, loin des tumultes de...