Il nous a fallu deux journées entières, mais on a réussi.
À défaut d'avoir une solution pour mettre fin au siège, on a décidé d'arrêter une injustice.
Ça n'a pas été évident de faire comprendre aux habitants que les Wakizas doivent cesser d'attaquer les Ohanzees. Tout le monde n'a pas adhéré au mouvement bien évidemment, c'est pourquoi on s'est concentré sur la population jeune, plus sensible et habituée aux problématiques de bien-être chez les "animaux". Il y a eu des débats, des disputes, quelques insultes, mais au final, ça a payé.
Charly, notre bande et toutes les personnes qu'ils ont réussi à convaincre sont partis manifester. Ils se sont dirigés vers l'avant poste principal et de ce que m'a dit ma guéparde, ils sont arrivés juste à temps. Les Wakizas étaient en train de s'équiper pour partir capturer des Ohanzees, soi-disant pour réduire leur nombre. Je doute que Daniel soit stupide à ce point, c'était de toute évidence un mensonge. La véritable optique de cette mission était probablement de redonner du moral aux troupes en leur prouvant qu'ils sont toujours capables de se battre, ou quelque chose dans le genre.
La guéparde m'a décrit la scène. Elle, en tête de ligne d'une foule en colère, face à son père qui tirait une gueule de six pieds de long. Il n'était pas particulièrement en colère, plutôt étonné et déçu que sa fille devienne son principal opposant. Face à cette protestation, le maire par intérim a accepté leurs revendications et a juré de ne plus attaquer les Ohanzees. Plus qu'à espérer qu'il tienne sa promesse.
S'en est suivi une sorte de conférence improvisée où les habitants posaient des questions à Daniel sur la situation qui répondait avec son assurance habituelle. Lorsqu'on lui a demandé ce qu'il comptait faire vis-à-vis des réserves de nourriture, il a expliqué être en train de préparer un bateau suffisamment rapide et résistant pour ramener des provisions par la mer, mais aussi un gros camion blindé pour en ramener par la terre. Tout le monde a sauté de joie en entendant cette nouvelle, heureux que les Wakizas ne les aient pas abandonnés.
Cela peut sembler bizarre ou stupide qu'on ait changé d'avis aussi rapidement. Mais face à cette douleur si profonde et déchirante que l'on a ressentie, impossible de faire autrement. Malgré toute la haine qu'on éprouve à leur égard, il nous est impossible de vouloir leur faire du mal. Ils ne sont que des jouets répugnants où est enfermée une âme pure et meurtrie. Maintenant que nous le savons, il est de notre devoir de les aider.
En espérant qu'on ne se fasse pas manipuler par Lucy.
Je n'ai malheureusement pas pu assister à ce soulèvement. Charly est toujours une personnalité publique dans le village, mais moi, je suis toujours aussi détestée. J'ai donc décidé que le meilleur moyen d'aider la cause était de rester chez moi à continuer de lire, encore et encore.
La guéparde est rentrée. Ça fait au moins une demi-heure que je suis bloquée sur le même paragraphe. Mes yeux avancent, mais mon cerveau a un train de retard, alors je recommence, sauf que cette fois ce sont mes yeux qui s'arrêtent au milieu de la phrase. Quand par miracle je parviens à avancer un tantinet, j'oublie une information donnée deux lignes plus haut et suis obligée de tout relire.
C'est un cauchemar.
Le gros chat m'extirpe de ma torture et me saute dessus. Elle m'a ramené les rations pour la semaine. Deux trois conserves, quelques fruits bien murs et un peu de viande –qui sera surtout pour elle–. Si les habitants finissent par mourir de faim, je me demande si les prédateurs vont se mettre à manger les herbivores. Une expérience sociale unique, mais qui je l'espère, n'aura jamais lieu.
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Là où le diable se terre
ParanormalEmily va accepter un poste de bibliothécaire de l'autre côté des États-Unis, dans une petite ville portuaire de l'Oregon pour prendre un nouveau départ. Alors qu'elle y emménage avec l'intention de vivre une petite vie paisible, loin des tumultes de...