/💦/ Les moustaches de la mer

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Une fois la porte fermée, je décide de partir vers l'inconnu. J'ai vu qu'une partie du village après tout, je pense qu'il me reste beaucoup de choses à découvrir.

Est-ce qu'on peut parler d'aventure ? J'imagine que oui. En soi le simple fait que je sois venu m'installer ici en est une. Une aventure qui s'est transformée en une espèce d'histoire fantastique.

Je pars donc, accompagnée de mon sweat et de mon sac à dos. Je réalise que je n'ai pas repris ma voiture une seule fois depuis que je suis ici. Et à bien y regarder, peu d'habitants semblent en avoir une. À part les gardiens qui se baladent en pick-up et autre jeep ultra polluante, tout le monde se déplace à pied. Ou à patte.

Ça me fait penser que sa voiture a disparu de devant chez moi. Ils vont sûrement la démanteler ou la revendre à un habitant. Bon débarras.

Sans même réfléchir, mes pieds prennent la direction du bord de mer, guidés par l'air iodé. L'obscurité du ciel est totale, seuls les lampadaires me permettent de voir les rues. J'observe les bâtiments qui ressemblent tous plus ou moins à la bibliothèque. Des entrepôts et autres usines de briques rouges, pour la plupart abandonnés, symboles d'une industrialisation bien lointaine.

Une usine de conserves de sardines, les bureaux d'un plombier furet et d'un électricien chimpanzé, un garagiste/réparateur en tout genre... Ma bibliothèque fait finalement assez tache dans le quartier.

J'arrive rapidement au bord de l'eau. Le noir des cieux contamine la mer qui ne fait plus qu'un avec le néant. J'ai la drôle d'impression que si l'envie m'en prenait, je pourrais plonger et nager jusqu'à la lune. Découvrir des galaxies et visiter de nouvelles planètes. Seuls le bruit des vagues et les reflets des lampadaires sur l'écume me rappellent que ce n'est pas l'espace qui s'étend devant moi, mais bien un océan.

Je prends une grande inspiration qui me débouche les narines et emplit mes poumons. Quelques passants se promènent. Je vois un lapin et un lémurien marcher côte à côte, une biche assise sur un banc avec sa tête posée sur les genoux d'un gorille ou encore un caribou en train de parler à voix haute à son oreillette Bluetooth cachée au fond de son oreille.

Je regarde ça d'un œil extérieur, comme une spectatrice devant un film. Je ne réalise pas que je suis réellement dans l'histoire, que tout ce que je peux observer est bel et bien réel, aussi fou que cela puisse paraitre. Et je crois que les passants se font la même réflexion à en juger par la manière dont ils m'observent. Quelques-uns chuchotent, d'autres me sourient avant de détourner le regard et une minorité me lance des éclairs. Je me contente d'ignorer copieusement la dernière partie.

Je me promène juste au bord de l'eau, esquivant les bittes d'amarrage sur le quai et les bancs en fer forgé dévorés par le sel marin. J'entends un drôle de son qui provient de la mer, un son que je n'avais pas entendu auparavant. Un genre de clapotement. Je me penche au-dessus du vide spatial pour observer ce que peut produire ce bruit.

Et je ne m'attendais pas vraiment à ce que deux bestioles surgissent hors de l'eau et foncent droit sur moi ! Par réflex je me décale sur le côté en hurlant de peur, terrifiée et surprise, comme pour échapper à un monstre qui m'attaque !

Deux formes se retrouvent face à moi. Elles m'arrivent à peu près au bassin et dans un élan de panique je me prépare à leur envoyer mon pied dans leur tronche pour les réexpédier dans l'eau. Je m'arrête lorsque je les entends rire.

« Bouh ! » plaisantent-ils en me pointant du doigt, visiblement hilares devant ma tronche déconfite.

C'est deux loutres qui m'observent, posées sur leurs pattes arrière. Je reprends alors contrôle de mon corps, comprenant que deux petites bêtes aussi mignonnes ne vont pas me faire de mal.

Là où le diable se terreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant