/📚/ Comme une odeur de pisse

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On se retrouve dans la bibliothèque, encore une fois. Il fait jour pour le moment, ce qui rend l'endroit moins effrayant. Un premier avantage pour notre entreprise. On parvient à aller aux trois quarts du bâtiment sans difficulté désormais, tant on s'est habitués à cette sensation de mal-être qui nous enveloppe. Un drap de puanteur et de noirceur qui nous recouvre pour nous dissuader d'aller au fond de cette histoire.

On voit la porte. Perdue au milieu de l'immense mur de brique. Elle a l'air si simple, si banale. Et pourtant cette aura néfaste continue d'en émaner, comme une puanteur qui traverse les interstices. Je m'attends presque à trouver une montagne de cadavre de l'autre côté, ou bien le diable lui-même tant ce qu'elle dégage est mauvais. Je n'ai pas assez de mots pour caractériser cette sensation, mais je ressens juste un mal. Le mal.

Charly aussi semble inquiète. Elle regarde le fond du bâtiment comme un mauvais présage. Comme un condamné à mort qui fixe la guillotine, prit d'une violente envie de s'enfuir.

Je lui prends la main. Elle m'observe, silencieuse, comprenant ce que cela veut dire. Il est temps d'y aller. Alors on emboite le pas, calmement, synchronisant nos respirations et nos marches. On passe les livres petit à petit, que je n'ose même pas regarder. Je me concentre juste sur mes pieds et sur la main de mon amie.

Sans même qu'on y fasse attention, nos cœurs s'emballent, nous hurlant de faire demi-tour. Mais notre curiosité, probablement accompagnée de notre stupidité, nous pousse à aller de l'avant. Alors on continue.

Les derniers pas qui nous séparent de la porte sont les plus difficiles. J'ai l'impression qu'une personne invisible ou qu'un vent extrêmement fort nous pousse vers l'arrière. On parvient tout de même à tenir bon tandis que je tends le bras pour parvenir à attraper cette foutue poignée.

Mes doigts finissent enfin par se poser dessus. Elle est étonnamment froide, gelée même, ce qui a le mérite de me ramener dans le monde réel. Un dernier ultime effort me permet d'enfoncer la clé et d'actionner la clenche. On se jette presque à l'intérieur de la réserve avant de refermer la porte derrière nous.

Plus rien. La sensation est complètement partie.

On soupire avant de réaliser qu'on est dans le noir complet. Charly tâtonne le mur et finit par presser un interrupteur. Quelques longues secondes passent avant que la petite ampoule daigne nous éclairer de son atroce lumière jaune.

L'endroit n'est vraiment pas grand. Et là où je m'attendais presque à atterrir au dernier cercle des enfers, je me retrouve... Dans un espèce de cajibi. Il y a un balai, un seau à serpillère, des outils en métal qui semblent avoir au moins un siècle. Il y a aussi un canapé affreusement vieux, couvert de tâches. D'ailleurs maintenant que j'y fais attention, il y a comme une odeur de pisse ici...

Mais peu importe. L'important, c'est de trouver ces fameux documents ! Un rapide coup d'œil me montre des boites en métal, le genre ignifugé. Trois boites couvertes de poussière qui trônent dans ce capharnaüm. Charly tourne la tête d'un coup sec. Je suis son regard et vois un rat qui s'empresser d'aller se cacher derrière le canapé. J'espère que ces saloperies n'ont pas abimé les documents !

J'ouvre la boite la plus en hauteur, qui m'arrive aux épaules. Le nuage de particules que cela soulève me fait tousser, une épreuve bien ridicule comparée à tout ce que j'ai affronté jusque là. Cette sensation en est presque enivrante, tant le rat de bibliothèque que je suis est excité devant ce véritable trésor !

« Ouai cache toi saloperie, j'vais revenir pour toi quand j'aurais mes griffes, tu feras moins le malin !

— Laisse c'te pauvre bestiole tranquille et viens voir. »

Là où le diable se terreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant