L'école du Bien et du Mal II

Chapitre XLII

Je passe la fin du bal recroquevillée, la tête enfouie dans mes genoux, les bras autour de mes jambes, assise contre un mur à l'extérieur de la salle de bal. Les vibrations de la musiques faisant trembler mon coeur détruit dans ma poitrine. J'entends Léonie venir vers moi mais se raviser. La musique se fait un instant plus fort avant d'être à nouveau étouffée. Elle est retournée dans la salle. Quelques minutes plus tard, Dovey arrive d'un pas précipité et s'accroupit près de moi.

- Je suis désolée Ava. Viens. Tu as besoin de te reposer.

Je me lève, épuisée, et la suis dans les couloirs. Elle m'emmène dans petit dortoir vide et me laisse m'y installer.

- Si tu as besoin de quoi que ce soit je suis là d'accord ?

Je hoche la tête et elle commence à s'en aller quand je l'apostrophe :

- Clarissa ?

- Oui ?

- J'ai tout gâché pas vrai ?

Son regard peiné m'en dit plus long qu'elle ne veux bien le faire. Je me laisse tomber sur mon lit.

- Tout va s'arranger Ava, j'en suis certaine.

Sa main se pose sur la poignée de la porte mais elle ne sort pas.

- Tu sais, Léonie a l'air de vraiment t'aimer. Elle s'inquiète pour toi.

- Mais celle que j'aime ne veut plus entendre parler de moi. Je souffle.

Dovey semble surprise de m'entendre prononcer ces mots.

- Je ne pensais pas que tu .. .

Je secoue la tête, une nouvelle larme roule sur ma joue. Elle s'avance pour l'essuyer et me retire mes talons pour que je puisse m'allonger. Ce que je fais en sanglotant. Elle reste auprès de moi, caressant doucement mes cheveux, jusqu'à ce que je m'endormes. Je ne l'entends même pas quitter la pièce.

Le lendemain, je vis l'une des pires journées de ma vie. Lesso m'évite, ne m'adresse pas la parole et ne me regarde même pas. Anémone me conseil de laisser passer un peu de temps avant d'essayer de discuter avec elle, mais je me sens de plus en plus mal. Léonie essaie d'arranger les choses avec moi mais je me refuse à lui parler si ce n'est pas professionnel. Mes cours sont une catastrophe et les professeurs me le font bien sentir aux conseils. Mais je n'ai pas la force, je veux bien faire mais comment y arriver quand mon coeur est brisé, et que je ne peux rien faire pour arranger les choses. Je porte en silence les aveux de Leonora, sa souffrance silencieuse, et ça me tue.

Une nuit, je suis réveillée par des bruits de pas, trop bruyants et nombreux pour être ceux des élèves d'un seul dortoir. Alors je me lève et sors de ma chambre. Un fois dans le couloir, des voix me parvienne de derrière une porte fermée laissant apparaître un filet de lumière. Je m'avance lentement, mes pieds nues sur le parquet ne produisant pas le moindre bruit. Je n'entends pas distinctement ce qu'il se dit, les élèves chuchotent visiblement. Mais ils s'agitent beaucoup et leurs pas chaussés résonnes sur le bois du sol. J'ouvre brusquement la porte pour les surprendre. Il y a une vingtaine d'élèves dans cette chambre, tous en cercle, des Jamais et des Toujours confondus. Au centre de leur cercle se tient Bastian. Quand il me voit, il se fige.

- Vous pouvez m'expliquer ce qu'il se passe ici ? Je demande d'une voix forte qui résonne dans la pièce silencieuse.

D'un geste de Bastian, le groupe se disperse. Presque tout le monde quitte la chambre, et ceux dont c'est visiblement le dortoir retournent dans leur lit. Aucun d'eux ne me répond, et presque aucun ne me regarde. Trop outrée pour régir tout de suite, je réussis tout de même à me mettre en mouvement pour suivre Bastian qui sortait dans le couloir. Je referme la porte derrière moi et l'interpelle :

- Bastian. Vient ici.

Il se tourne vers moi. Ses joues sont creusées. Il était déjà maigre avant, mais là je m'inquiète sérieusement. Ses yeux verts sont fixés sur moi avec une intensité remarquable.

- Oui, Miss Ava ? Vous avez enfin du temps pour moi ? Demande-t-il d'une voix légère mais légèrement éraillée.

Je me sens soudain terriblement coupable. Je l'avais complètement oublié. Et je sais à quel point ça fait mal quand on est seul, qu'on souffre, et que personne ne nous écoute. Je m'avance doucement vers lui.

- Je suis désolée Bastian. Je n'ai pas été là pour toi alors que je t'avais dit que je le serai. Mais maintenant je suis là. Qu'est-ce qu'il t'arrive ?

Il secoue la tête avec un claquement de langue réprobateur. Son aplomb me laisse sans réaction alors qu'il dit d'une voix caverneuse :

- Oh non Miss.. . vous pensiez que vous décideriez de quand je parlerai ? C'est trop tard. Non vous n'avez pas été là. Et vous en paierez les conséquences.

- De quoi tu parles ? Je demande, brusquement inquiète.

- Vous le saurez bien assez tôt. Cette école a bien besoin de changement, vous aviez raison. Mais vous êtes visiblement trop préoccupée pour vous en occuper vous-même. Bonne nuit Miss Ava.

Je n'ai pas le temps de répondre qu'il se transforme en un jeune cygne gris et s'envole hors du bâtiment. Et merde c'était quoi ça ?!

Mon premier réflexe est de courir en direction du bureau de Lesso. Mais une fois à mi-chemin je me ravise. Ce n'est pas à elle que je dois parler de ça. Et de toute façon elle refusera de m'écouter. Je dois aller voir Léonie. Mais je ne veux pas. Je ne peux pas la regarder dans les yeux sans que mon coeur ne se pince douloureusement. Elle m'a fait trop de mal. Je ne peux pas non plus aller voir Dovey qui s'inquièterai beaucoup trop. Mes pas me dirigent finalement vers la chambre d'Anémone. Je frappe avec force contre la porte. Quelques minutes plus tard elle sort, encore ensommeillée. Avant qu'elle ne puisse dire quoi que ce soit, je lui explique tout ce qu'il s'est passé. Alors à ce moment, et seulement à ce moment, nous allons dans la tour réveiller Léonie. Nous lui expliquons la situation et elle ne prend visiblement pas la chose à la légère. A la suite de notre discussion, elle demande à Anémone d'aller chercher le garçon. Mais alors que je commence à suivre la prof d'esthétique vers la sortie, elle ferme la porte à l'aide de sa magie.

- Ava attend. Il faut qu'on parle, s'il-te-plait.