7 - L'abordage

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Akira Tanenseï émit l'hypothèse qu'il s'agissait d'un vaisseau pirate venu pour capturer des passagers ou encore une cargaison secrète dont ils auraient été informés. La question était alors : Quelle personne avait assez d'importance ou quelle marchandise était assez précieuse pour attirer un vaisseau pirate aussi volumineux ? Cela était d'autant plus étonnant que les abordages étaient de plus en plus rares ces temps-ci, disparaissant au profit des piratages informatiques orchestrés par des puissances comme la république Oÿnosienne.

Il prévint Kaïton qu'il fallait sortir pour aller chercher Neutriss avant que les pirates pénètrent. Il expliqua le plan à Kaïton : ils devraient tout d'abord sortir du vaisseau, atteindre les sorties de secours et attendre que l'alarme intérieure se déclenche pour que les sas de décompression se déverrouillent et qu'ils puissent pénétrer à l'intérieur du croiseur et récupérer Neutriss. Akira avertit Kaïton :

–  La sortie dans l'espace sera le moment le plus dangereux et nous n'aurons presque pas de réserves d'oxygène. Il faudra que nous prenions une combinaison supplémentaire pour le retour pour Neutriss. Une fois que nous aurons pénétré dans le croiseur je te laisserai aller chercher Neutriss et je garderai les combinaisons au niveau du sas. Je te confierai le détecteur à résonance photonique, j'ai placé un émetteur dans les affaires de Neutriss. Tu pourras de cette manière trouver sa chambre, elle devrait normalement s'y trouver ; je lui ai envoyé un message.

Le maître sortit trois combinaisons d'un sac que Kaïton n'avait jamais remarqué depuis le début du voyage. Elles étaient étonnamment légères et semblaient à la fois indéchirables. Ils revêtirent chacun leur combinaison et Akira emporta la troisième dans un sac qu'il mit sur son dos. Le maître brancha ensuite les petites bonbonnes de dioxygène à haute pression sur le système respiratoire des combinaisons. Ces réserves suffiraient pour une sortie de quelques minutes mais il ne faudrait pas qu'ils traînent. Une fois dans le sas Akira demanda à Kaïton de ne jamais lâcher les parois du vaisseau, car sinon il se trouverait en apesanteur, sans moyen de se raccrocher au croiseur. De plus, en s'écartant de la paroi il sortirait du champ de protection du croiseur et la probabilité d'être heurté par une poussière ou un petit caillou augmenterait et cela pourrait lui coûter la vie.

Akira lança la décompression, ils sortirent dans le vide intersidéral. Ils progressaient lentement à cause des combinaisons, mais surtout du manque de prises offertes par la paroi du gigantesque vaisseau. Kaïton se retourna pour voir comment progressait le vaisseau pirate, celui-ci s'était considérablement rapproché et pourrait lancer l'abordage d'ici quelques minutes à peine. Kaïton allait se retourner pour reprendre son avancée quand, dans un flash d'étincelles, il vit une masse rocheuse heurter le champ de protection du croiseur à quelques mètres de lui se désintégrant presque totalement à cause de l'énorme vitesse relative entre le croiseur et l'astéroïde.

Il lui semblait avoir vu un petit fragment se détacher du rocher et pénétrer à l'intérieur du bouclier protecteur quand il sentit quelque chose le percuter. Il lâcha prise et sentit la pression soudainement baisser dans sa combinaison. Il eut le réflexe de regarder sa bonbonne et remarqua qu'elle était perforée par un trou microscopique d'où semblait sortir un flot d'air continu. Il la couvrit de sa main pour empêcher que tout l'air ne s'en échappe et se rendit compte qu'il avait dérivé à quelques mètres de la paroi du croiseur. Il essaya par de vains mouvements de se rapprocher du mur d'acier, il avait surtout peur d'entrer en contact avec le champ de protection qui le désintégrerait sans le moindre effort. Soudain, il eut l'impression que ses gesticulations le rapprochaient de la paroi, comme si une force inexpliquée le poussait. Il décida de bouger le moins possible pour ne pas gaspiller son oxygène ni son énergie.

Ils étaient parvenus devant l'ouverture qui servait au lancement des navettes de secours. Cela faisait plus d'une minute qu'ils patientaient et Kaïton était presque à bout de souffle. Soudain alors que toute espoir semblait perdu un imposant panneau de métal se mit à pivoter, lentement, puis de plus en plus rapidement. Lorsqu'il fut ouvert une petite navette sortit à toute vitesse du sas. Akira, déjà agrippé à la porte mécanique fit signe à Kaïton de le suivre. Ce dernier était à deux doigts de suffoquer mais heureusement ils avaient prévu que le panneau s'ouvrirait de cette manière, et quand il lui avait resté suffisamment de forces Kaïton s'était accroché tout près, dans une position stable puisque l'apesanteur ne lui demandait aucun effort. Le panneau se refermait lentement tandis qu'ils pénétraient dans l'espèce de sas qui servait à faire monter les passagers dans la navette, puis de faire le vide autour pour enfin éjecter la capsule à l'aide d'une propulsion électromagnétique.

Kaïton était tenté d'enlever son casque de combinaison mais il n'avait toujours pas sentit l'air affluer pour remplir l'espace dans lequel il se trouvait. Ils étaient plongés dans un noir total. Kaïton se demandait si une porte allait s'ouvrir ou si le sas avait déjà rempli son rôle et resterait à présent définitivement condamné. Il se sentait faiblir doucement et ne parvenait pas à maintenir la pression sur sa bonbonne et voyait bien que depuis qu'elle s'était percée, elle continuait à fuir. Devait-il prévenir Akira de sa perte de conscience imminente ? Dans un dernier instant de lucidité il décida de s'asseoir par terre pour attendre tranquillement sa perte de conscience.

Au bout de quelques secondes ils sentirent dans le sol des vibrations comme si un gros objet s'approchait en crissant sur des rails métallique. Tout à coup, des vannes s'ouvrirent, l'air remplit doucement la pièce, et Kaïton retira son masque. Il sentait à nouveau l'air vrai emplir ses poumons. Il se sentait revivre. Ayant repris ses esprits, il entendit Akira qui lui hurlait de venir s'aplatir contre un mur. Il ne voyait rien et décida de suivre la voix. À peine avait-il rejoint le professeur qu'une capsule de secours atterrit devant leurs pieds, il s'en était fallu de peu. L'instant d'après le mur derrière eux se déroba, découvrant le visage paniqué des voyageurs qui voulaient à tout prix sauver leur vie en montant dans la capsule de secours.

Ses yeux mirent quelques secondes à s'accommoder à la lumière vive des éclairages artificiels du croiseur et ce qu'il découvrit failli le faire éclater de rire. Devant lui des personnes se bousculaient pour atteindre la navette et quand elles arrivaient à son niveau elles prenaient un air horrifié. Ils le prenaient pour un pirate, pensait-il.

– Tiens, prends-le. Et essaie de ne pas te perdre, lui dit Akira d'une voix qui se voulait rassurante, en lui tendant le détecteur à résonance photonique.

– Merci, je ferai de mon mieux, assura Kaïton avant de retirer sa combinaison spatiale et de tourner les talons.

Jusqu'ici tout s'était déroulé à peu près correctement, hormis l'incident avec la bonbonne d'oxygène. Heureusement tout avait bien fini, il ne restait plus qu'à retrouver Neutriss. Il arpentait les couloirs au pas de course, jetant un regard à l'écran du détecteur à chaque intersection pour être sûr qu'il se rapprochait bien de son but. Il appréhendait sa rencontre avec Neutriss. Savait-elle qu'il l'aimait en secret ? Accepterait-elle de le suivre alors qu'ils ne se connaissaient qu'à peine ? Les questions se bousculaient dans sa tête. Il décida de se concentrer sur son avancée, il verrait bien ce que lui réserverait le destin.

Il avançait maintenant plus difficilement, il lui semblait qu'il avait rejoint une des artères principales du vaisseau et un flot incessant de personnes aux regards anxieux se dirigeaient vers les capsules de secours. Après quelques croisements il atterrit dans le quartier des chambres, qui lui paraissait d'ailleurs désert. Il avait ralentit et regardai le détecteur avec attention, la chambre de Neutriss ne devrait pas être loin. Il repensa à son maître et espéra qu'il ne lui arriverait rien. Il avait l'impression de s'être attaché au mystérieux personnage ces derniers jours. Il s'arrêta devant une porte, il était arrivé. Il n'osait pas ouvrir la porte. Il tenta de l'ouvrir mais la poignée restait bloquée, elle avait dû verrouiller sa chambre, elle avait bien fait. Il toqua, pas de réponse. Il s'annonça :

– C'est Kaïton, est-ce que tu peux m'ouvrir ? Il faut absolument qu'on parte d'ici.

– Qu'est-ce que tu fais ici ? demanda-t-elle.

– Je n'en sais rien, tu lui demanderas, réalisant qu'il n'avait aucune idée des enjeux de l'aventure dans laquelle il s'était engagé. Dépêche-toi, les pirates risquent d'arriver d'un moment à l'autre, lança-t-il en espérant cacher le doute de sa phrase précédente.

Kaïton entendit des pas s'approcher depuis l'intérieur de la chambre, il était excité à l'idée de la revoir mais il savait qu'il devrait garder son calme pour ne pas se discréditer à ses yeux.

Elle ouvrit doucement la porte et découvrit tout d'abord son visage. Il avait oublié à quel point son sourire fier et joueur illuminait son regard perçant, couleur de jade, comment ses lèvres fines, presque tranchantes et en même temps si tendres, si parfaites lui dessinaient une bouche si attirante. Une cascades chocolat se déversait sur ses épaules délicates entourant son visage et le faisait resplendir de beauté.

* * *

Neutriss et Kaïton réussiront-ils à s'échapper ? Pourquoi le maître Akira Tanenseï cherche-t-il à faire évader Neutriss ? Veut-il son bien ?

La suite arrive samedi prochain !

Le sang des Numuris - I L'ArmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant