Le sang des Numuris - I L'Arme

27 - Aux frontières du réel

En sortant de la taverne il faisait beau, il était tard, ils auraient dû aller dormir mais Itomorie les poussait à faire le contraire. Ils discutaient de ce qui avait été dit, de l'histoire de la conteuse.

- Elle est toujours aussi étonnante, tu peux me croire Kaïton, à chaque fois que je pense la connaître, que je crois savoir à quoi m'attendre elle me surprend.

- C'est incroyable tout ce qu'elle raconte quand même ! Tu en as déjà vu toi des tirmillons ? Kaïton était toujours émerveillé devant le récit fantastique. La manière dont elle avait donné vie aux mythes de Neoba l'avait touché, il s'en rendait compte à présent.

- Non, je ne suis même pas sûr que ça existe vraiment. Tu sais, je crois qu'elle invente beaucoup de choses, répondit Lerhim, avec l'air un peu blasé de celui qui avait cessé de croire à la magie depuis bien longtemps.

- Je ne sais pas, j'aimerais tellement aller découvrir ce monde caché. Tout paraissait tellement vrai.

Il levait la tête, regardait les nuages défiler dans le ciel. Il se disait en lui-même que ce pouvait être qu'un mythe. Il avait sentit la vérité sous-jacente aux paroles de la conteuses. Une vérité aussi forte que l'expérience.

- Est-ce que t'es déjà allé au Kam'Numuri d'à côté ? demanda Kaïton, soudainement.

- Au quoi ?

- Le Kam'Numuri, tu sais le grand puits qui crache de l'air brûlant!

- Ah oui, tu parles de ça. Je suis désolé, je n'avais pas compris. Tu sais les gens n'en parlent pas plus que ça ici, donc quand un nouveau venu me parle de Kam'Numuri je ne saisis pas tout de suite. Non, je ne savais pas qu'il y en avait un pas loin. Tu sais il y en a un peu partout sur Neoba, en tout cas, là où je suis allé.

- Ça te dit d'y aller ?

- Maintenant ? interrogea Lerhim, surpris par la proposition.

- Oui, j'ai envie de te le montrer, c'est vraiment quelque chose d'incroyable !

Kaïton sentait qu'il ne fallait pas parler tout de suite de ses visions des Numuris. Lerhim regardait le ciel s'éclaircir sous la pâle lueur d'Itomorie. Les couleurs pastel de cette aube nocturne le tentaient. Et puis cet air doux, il faisait presque un peu chaud. Rien de tout cela ne lui donnait envie de rentrer dormir.

- Aller ! Si tu veux ! Ça me fait rire de me dire que maintenant c'est toi qui va me montrer quelque chose de ma propre ville. Tu veux qu'on prenne des bicyclettes chez moi ?

- Honnêtement je ne suis pas sûr que le chemin soit bien adapté, c'est pas très large. On peut y aller en courant, ou en marchant si tu préfères. C'est vraiment tout près.

Et Kaïton se mit à courir tranquillement, Lerhim le suivit, du même rythme tranquille.

- Tu vas souvent l'écouter la conteuse ? demande Kaïton.

- De temps en temps, j'aime beaucoup la poésie de ses récits.

- C'est vrai que c'était magnifique. Elle est la seule à faire ça ? Je veux dire, raconter des histoires étranges.

- Ah non, pas du tout ! C'est vraiment répandu sur Neoba, la mythologie est très riche. Ce n'est pas comme ça chez toi ?

- Pas vraiment non, répondit Kaïton en pensant à la manière dont tous les mythes et religions étaient mis à l'écart sur Kanwho et les autres provinces qu'ils connaissaient de l'empire.

- Chez moi, continua-t-il, pour qu'un récit soit vraisemblable et accepté il faut qu'il soit rationnel, plus ou moins guidé par la science. Bien-sûr il y a des romans fantastiques, toutes sortes d'histoires fantaisistes, mais ce ne sont que des amusements, des passe-temps. Personne ne croit un mot de ce qui y est écrit.