22 - Les sommets de Kodhéli

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Gurdam De Visco présenta à Neutriss et Akira une petite chambre confortable non loin de son appartement principal. La suite n'était pas spacieuse, mais astucieusement aménagée. La porte d'entrée donnait sur un petit couloir qui débouchait sur une baie vitrée à la vue imprenable sur la mer de Kodhéli. Neutriss soupçonnait l'immense vitre d'être un simple écran comme cela se faisait classiquement. Devant la mine dubitative de son invitée, Gurdam intervint :

– Ne croyez pas que c'est un simple écran. Je ne m'abaisserais pas à cet aménagement vulgaire. Nous sommes situés sur la façade Est de la cité, et je peux vous dire que j'ai été chanceux en dénichant ce studio, il est fonctionnel et magnifique. J'espère que ça vous conviendra.

– Nous sommes honorés monsieur De Visco, le remercia le professeur, nous ne vous en demandions pas tant.

– Il n'est pas utilisé en ce moment, vous savez, autant que ça serve.

– C'est vraiment gentil de votre part, renchérit Neutriss.

– J'allais vous proposer une petite visite des sommets de la cité, je suis en congé aujourd'hui, j'ai tout le temps de vous faire découvrir le vrai bijou qu'est Kodhéli !

– Ce serait avec plaisir, acquiesça Akira Tanenseï.

– Je suis désolé, le voyage m'a vraiment fatigué, j'aimerais mieux me reposer si cela ne vous ennuie pas, déclina Neutriss qui n'avait pas eu une minute de répit depuis leur départ précipité de Neoba. Elle ne comprenait toujours pas comment le maître Tanenseï semblait toujours aussi dynamique et posé, même après une course poursuite interstellaire et la découverte d'une cité robotisée.

Gurdam emmena ensuite le maître Tanenseï vers les sommets de l'étrange cité. Les ascenseurs qu'ils empruntèrent, d'une élégance remarquable, étaient réservés aux notables de la cité. Dans cette cabine aux parois de verre fin, l'immersion virtuelle restait un choix. La plupart des utilisateurs utilisaient leur propre sensocasque, bien plus sophistiqués que ceux des cocons voyageurs. Mais d'autres, comme monsieur De Visco, préféraient admirer la vue incroyable qu'offrait l'architecture fantastique de verre et carbotech aux reflets flamboyants. L'ascenseur, par sa vitesse et la trajectoire sinueuse qu'il suivait dans ce milieu tout en transparence était une véritable provocation du génie humain aux lois de la physique. Akira ne laissait rien paraître de l'admiration enfantine qui l'habitait face à tant de beauté et d'orgueil démesuré. Pour demander à la cabine de l'ascenseur d'accéder au niveau le plus élevé, Visco avait d'abord dû présenter son iris pour un contrôle d'identité, puis une biopuce qui était implantée dans son index droit. Cette double authentification permettait d'assurer que seule une élite autorisée puisse se rendre au sommet.

La cabine acheva enfin sa course dans un chuintement mélodique. La porte, déjà ouverte, donnait sur une passerelle suspendue, à l'allure aérienne de soie arachnéenne. Visco invita le professeur d'aïkijutsu à venir découvrir la vue splendide que l'on avait depuis l'un des sommets de Kodhéli. Quelques mètres plus loin, la passerelle laissait place à une large esplanade, agrée d'un délicate fontaine. La beauté minérale de l'endroit ne laissait aucun espace à l'exubérance d'une végétation trop opaque, trop colorée, trop sale. D'ici on observait les grandes tours côtoyant les usines aux architectures exotiques. Et plus loin la mer, étendue infinie, indomptable, défiait de ses remous l'existence artificielle de cette cité du virtuel. Visco rejoignit Akira sur un banc près de la fontaine.

– Vous savez pourquoi je suis ici ?

– Vous allez sans doute me l'apprendre, répondit le maître d'un ton calme.

– C'est un des seuls endroits où il n'y a ni micro ni caméra. J'y viens souvent, lorsque les bureaux de moquette feutrée me deviennent intolérables.

Le sang des Numuris - I L'ArmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant