Muo sortait de la colocation et se dirigeait vers l'ascenseur. Il aurait pu aller sur la terrasse et appeler un taxi-drone mais il préférait rejoindre son bureau par lui-même, en rampant. Muo était d'jabah, il se déplaçait donc au gré des oscillations de son imposante queue, appelé pied, qui rappelait le corps des serpents. Par ailleurs il détestait le vide et ne supportait pas les taxi-drones.
Au bout du couloir, dont le lino bleu pastel soulignait la modernité, il attendit la cabine de l'engin. Un doux halo lumineux qui se déplaçait de bas en haut sur la porte translucide indiquait que l'appareil montait vers lui.
La porte s'ouvrit dans un doux chuintement mélodique. Il pénétra dans l'étroite cabine. Il n'aimait vraiment pas la sensation du revêtement de la cabine sur la peau de son pied. Surtout, à chaque fois, il devait se contorsionner pour faire rentrer l'entièreté de son pied dans l'espace exigu de la cabine.
Il voyait les étages passer un à un de l'autre côté de la vitre. Sur sa droite défilait les portes translucides de chaque étage, entrecoupées des différents paliers. En se tournant vers la gauche il appréciait davantage la vue que lui donnait la façade vitrée.
Muo aimait bien se déplacer à pied, il voyait l'effervescence du monde autour de lui, des gens, et pas juste des machines. Cependant, dès qu'il levait la tête, son champ de vision était accaparé par le ballet incessant des taxi-drones et autres aéronefs. L'atmosphère était saturée des vrombissements des engins volants. Heureusement qu'ils avaient des moteurs ioniques maintenant, c'était un vrai enfer quand l'air était rempli d'engins à hélices qui faisaient au moins dix fois plus de bruit.
L'utilité des taxi-drones pour la société échappait à Muo. Ils semblaient ne servir qu'une minorité, il n'y aurait jamais la place pour tout le monde dans ce ciel déjà saturé. Pourtant ils étaient là, survolant le reste de la population qui se déplaçait au sol, à pied, ou dans toutes sortes d'engins à roues. Quel était le sens de cet engin qui desservait la majorité par sa pollution sonore et qui permettait d'accélérer encore davantage l'existence de quelques-uns ?
Il aurait fait sombre dans les rues de Nameöra sans les magnifiques plantes luminescentes qui grimpaient sur les façades des tours. En effet, les tours, des deux côtés de l'avenue montaient bien plus haut que la circulation d'engins volants. On apercevait seulement une pâle ligne de ciel mauve, pas bien épaisse, loin là-haut.
Muo avançait tranquillement, il avait encore un petite vingtaine de minutes de trajet pour arriver au siège de strategma, la compagnie intersystémique de conseil stratégique dans laquelle il était conseiller depuis bientôt deux ans.
Il approchait du quartier d'affaire, les plantes des façades étaient plus raffinées et diffusaient une douce lumière proche de celle du matin. Les bureaux étaient conçu de telles sortes que les lianes luminescentes des façades assurent l'éclairage comme l'aurait fait ailleurs un ciel resplendissant.
Le quartier des affaires était constitué d'une manière assez différentes du reste de la ville. Les tours étaient encore plus hautes, et surtout, elles s'enfonçaient très profondément dans le sous-sol de la ville. Il n'y avait alors plus vraiment de rue ni de trottoir, seulement un important réseau de tubes transparents parcourus par la végétation lumineuse.
Muo rampait dans le tube. Le tunnel transparent était suffisamment large pour lui permettre de croiser deux personnes qui marchaient de front.
Sans vraiment s'en rendre compte maintenant, Muo était soulagé quand il arrivait dans le tube. Il était plus serein. Il n'y avait plus ces regards inquisiteurs, étrangers, curieux, qui le dévisageaient en toute indiscrétion.
Il était d'jabah. Or à Nameöra, la population était essentiellement humaine. Il lui arrivait de croiser quelques kunatars, et très rarement d'autres d'jabahs. Il les connaissait presque tous maintenant, ils se rencontraient parfois. C'était dans les quartiers des affaires que sa différence se marquait le loin. La moindre densité de passants, et puis les tubes remplaçant les rues aidaient bien-sûr. Mais Muo sentait surtout qu'ici, le peu de passants qu'il croisait n'en avait rien à faire de sa personne. Ils étaient tous en train de consulter des fichiers sur leur lentilles connectées, ou plongés dans une discussion de la plus haute importance qui les soustrayait à la réalité du monde.
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Le sang des Numuris - I L'Arme
Science FictionLa première station martienne autonome perd tout contact avec la Terre. Sa responsabilité : faire perdurer l'humanité. Plusieurs millénaires plus tard deux jeunes adultes, Neutriss et Kaïton devront faire face à leur destin pour éviter au monde une...