10 - L'Arme

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La semaine s'était déroulée paisiblement, la neige avait cessé de tomber et laissait derrière elle une terre boueuse qui s'était vite couverte d'un tapis de mousse d'un mauve sombre. Li les avait prévenus sur le fait que le temps était assez variable sur cette étonnante planète et qu'il pouvait neiger un jour et deux jours Neobien plus tard faire beau temps.

Akira Tanenseï avait profité de la température clémente pour entraîner ses élèves en plein air et de cette manière Kaïton et Neutriss avait le droit à leur cours quotidien dans la clairière qui entourait la petite masure. Les deux jeunes adultes aidaient gentiment la vieille tante à préparer les repas, ranger le linge et récolter les légumes du petit potager qu'entretenait Li dans la petite serre derrière la maison.

De temps en temps Kaïton enfilait ses chaussures de course à pied qu'il avait achetée quelques jours avant de partir. C'était une nouvelle technologie de textile qui rendait les chaussures à la fois extrêmement légères, totalement imperméables, amortissant les chocs et permettant d'évacuer la transpiration. Surtout, les chaussures étaient facilement compressibles pour les ranger dans un petit étuis ce qui avait permis à Kaïton de les emporter. Il en était plutôt satisfait et les utilisait donc régulièrement quand il partait se promener en courant tranquillement pour explorer les environs.

Il s'étonnait toujours de la végétation exotique de Neoba, elle paraissait souvent terne au premier abord, arborant des teintes sombres pour récupérer le moindre rayon de lumière. Il remarquait ensuite que chaque arbre, chaque plante se parait de nuances incroyables, par des reflets irisés, dans les tons bleutés, rougeoyants, mauves ou jade. Cependant on ne les voyait que sous un certain angle, quand la lumière, avant de parvenir à vos yeux venait caresser, délicatement la surface de la feuille. Et puis il y avait ces myriades de petits animaux, insectes, oiseaux et autres qui grouillaient sans qu'on ne puisse les distinguer au premier coup d'œil. Ceux que Kaïton préférait étaient ces petites ombrelles flottantes entre les troncs massifs déployant des tentacules argentés qui s'illuminait quand l'obscurité de la nuit venait encore assombrir les sous-bois. Il ne les avait pas souvent observées mais leur lent spectacle de valse aérienne l'avait séduit tout de suite.

Tout en courant il repensait à une discussion qu'il avait eu avec Neutriss il y a quelques jours déjà. C'était le lendemain de leur arrivée chez sa grande tante Li. Neutriss était venue le voir et lui avait demandé pourquoi il l'avait suivie, comment il était arrivé sur le croiseur avec Akira Tanenseï juste au moment où elle en avait besoin. Son ton avait été accusateur, elle attendait des réponses. Il lui avait tout raconté, enfin presque. Il lui avait dit que le professeur d'aïkijutsu l'avait contacté avec un étrange message, qu'il avait besoin d'aide pour la suivre. Il lui raconta qu'il avait beaucoup hésité mais qu'il ressentait le besoin de partir, qu'il ne se voyait pas continuer sa vie comme ça. Il avait besoin d'autre chose, et surtout il ne se voyait pas continuer les cours d'aïkijustsu sans elle. Puis, sans lui laisser le temps de répondre il lui avait raconté sa vie confiné avec le professeur, en parasites du croiseur.

Elle n'avait pas répondu grand-chose, juste « je vois » il lui semblait. Kaïton n'avait aucune idée de ce qu'elle avait pensé de lui à ce moment là. Il s'était senti libéré d'une manière et un peu coupable en même temps. Heureusement sa grande tante l'avait sauvé en lui demandant de l'aide pour étendre du linge.

Il courait depuis une bonne quinzaine de minutes quand Kaïton entendit un grondement sourd, étrange sensation de vibration, qui venait de la forêt. Il n'avait jamais entendu cette musique profonde auparavant. Il décida de suivre le son, c'était une tâche difficile car le bruit était diffus et paraissait résonner dans la forêt. Il y parvint tout de même et plus il s'en rapprochait plus les ombrelles volantes étaient nombreuses. Il progressait dans les allées dessinées par les troncs gigantesques et imposants qui s'élevaient tels les piliers d'une immense cathédrale. Leur écorce noire faisait ressortir encore davantage les fils étincelants des ombrelles qui flottaient lentement, comme en apesanteur descendant avec splendeur des chapeaux translucides des créatures.

Le sang des Numuris - I L'ArmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant