17 - Nouveaux départs

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Dhéo était en apparence une citoyenne ordinaire de Quanvin, la ville lumière. Ceux qui la connaissaient de loin auraient dit qu'elle était une professeure passionnée. Elle enseignait la sociologie évolutive à la grande université de Quanvin, qui était en outre la plus réputée des systèmes alentours.

Elle se présentait devant la porte de son bureau qui s'effaçait d'elle-même. Non, ce n'était pas son bureau de professeure, c'était le bureau depuis lequel elle exerçait l'activité qui la passionnait plus encore que la sociologie évolutive, c'était là qu'elle s'attelait à sauver le monde comme diraient certains.

Elle adorait chercher à comprendre le monde, établir et étudier les dynamiques évolutives des sociétés, de leurs mœurs et de leur valeurs. Mais cela ne lui suffisait pas. Elle voulait agir, sortir de l'impartialité de la recherche et prendre position pour les opinions, les valeurs qui l'animaient.

Alors qu'elle s'asseyait enfin sur son simple tabouret en acier, la stridente sonnerie de son téléphone se mit à vibrer sur la table, car oui, elle utilisait un téléphone ; on lui avait dit que c'était plus sécurisé qu'utiliser les micro-puces.

« C'est Daroth, je suis en route vers la Terre Immortelle avec la grenouille, il nous faudra peut-être des renforts pour détourner l'attention quand nous passerons par l'amas de Goulgi »

« Je suis heureuse de t'entendre à nouveau, tu avais disparu depuis quelques semaines !, répondit, rassurée Dhéo. Les Amgonds seront satisfaits que tu puisses leurs ramener la grenouille, par contre je ne suis pas sûr que nous puissions t'envoyer des renforts. Nous menons de nombreuses actions en ce moment et les budgets ont tendances à être resserrés. »

« Je comprends tout à fait, je suis d'accord avec toi sur le manque de fonds, je le préciserai à Kautlun dans mon rapport de mission, précisa Akira »

« Si tu veux j'ai un contact à Irshum, c'est sur votre chemin, vous pourrez y faire une escale. »

«Irshum ? Tu es sûr, c'est un territoire sous contrôle de l'Union libérale, non ? »

« Ne t'inquiète pas, c'est un contact de confiance, je t'assure... »

Plus aucun son ne sortait du téléphone. Dhéo se dit qu'un nuage de gaz interstellaire en transit avait dû brouiller la communication.

Elle reposa le combiné téléphonique, il lui restait quelques minutes avant de repartir pour le département de sociologie de l'Université. Elle décida d'éplucher les archives de l'hypercom pour dénicher des informations sur son nouveau profil de recherche, celui d'Ernesis Kaïton.

* * *

Le ciel était d'une couleur indescriptible. Il courait depuis l'éternité.

Le rouge vif de la voûte céleste, il le trouvait merveilleux, il lui semblait que le ciel eut toujours été ainsi, ou du moins que c'était dans l'ordre des choses. Ses pieds foulaient l'herbe tendre. L'air emplissait ses poumons. Il était vivant mais il n'avait pas conscience de vivre. Il vivait présent à l'instant. Devant lui se dressait la forêt, immense, il lui semblait qu'elle n'était qu'à quelques mètres, qu'il pourrait la toucher du bout de ses doigts. Il ne savait pas depuis combien de temps elle s'était mise en travers de son chemin, mais il courait. Il courait mais il ne savait pas pourquoi, cela lui semblait juste naturel. Ce n'était pas lui mais seulement ses jambes qui couraient. Que pouvait-il faire d'autre ?

A l'autre bout de l'éternité, ils étaient venus, ils lui avaient parlé. Il ne savait plus ce qu'il avait entendu. Ils étaient étranges, les mêmes formes ténues, mais plus tangibles cette fois-ci. Des voiles transparents mais bien visibles.

Si, il se souvenait d'une chose, il était sur Terre. Il n'avait pas compris. Ils lui avaient dit que c'était ici qu'il devrait retourner. Il n'avait pas compris. La terre il l'avait toujours connue. C'était à cause d'elle que sa mère le grondait quand il en avait encore salit sa combinaison. C'était à cause d'elle que son père...

Il avait compris.

Ses pensées l'avaient déjà emmené sur d'autres rivages mais ce souvenir s'était accroché au radeau de sa conscience. Kaïton avait compris et plus jamais il ne pourrait se séparer de cette pensée.

* * *

Cela faisait maintenant près de 22h qu'elle avait quitté Neoba. Ils étaient partis en catastrophe et elle n'avait toujours pas eu le temps de comprendre ce qu'il leur était arrivé.

– Tu t'en sort Neutriss ? demanda Akira depuis la cabine de pilotage.

– Ça pourrait aller mieux, ironisa la princesse.

– Dépêche-toi alors, parce d'un moment à l'autre je vais devoir basculer sur la deuxième alimentation. Je te rappelle qu'on a un paquet de chasseurs aux trousses, je ne pense pas qu'ils nous aient localisé précisément mais il faudra qu'on passe par la grande ceinture rocheuse de Kiriel, expliqua Akira, de son calme le plus naturel.

En effet, lorsqu' Akira s'était rendu compte que la communication avec Dhéo venait d'être coupé Neutriss l'avait alerté de la présence de trois engins de chasse dans le secteur proche. Celle-ci, l'air totalement indifférente à la menace repris :

– Et au fait, tu aurais pu me demander avant de me surnommer grenouille quand même ?

– Ah, oui, j'aurai peut-être dû, mais de toute façon ce n'est pas moi qui ai choisi ce nom de code. Il faudra que tu demandes à Dhéo quand tu la verras, rétorqua Akira, un sourire pointant sous son masque de professeur sérieux.

– Je n'y manquerai pas. Et d'ailleurs j'aime beaucoup le tien, « Daroth », ça te vient d'où ?

– Tu en sauras sans doute plus dans quelques années, si le destin te le permet.

– J'avais oublié ton inclinaison, parfois insupportable, pour la patience, ironisa Neutriss.

– Il est des choses qui ne devraient pas s'oublier, conclu le maître d'arts martiaux.

Le sang des Numuris - I L'ArmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant