Chapitre 1

29 3 3
                                    

Neuf ans plus tard

— Allez papa, raconte-nous une autre histoire!

— Oui, s'il-te-plaît!

— Non non, les enfants. Il faut dormir.

— Mais on n'a pas sommeil!

Harold secoua légèrement la tête. Zéphyr et Nuffink ne voulaient pas fermer les yeux avant d'avoir entendu une énième histoire sur les dragons. Le chef de Beurk était à court d'histoires. Il ne savait plus quoi leur raconter pour les faire dormir. Même après sept années avec ses enfants, ils ne savait toujours pas comment s'y prendre avec eux.

— Ça suffit, les enfants. Laissez votre père tranquille. Gronda Astrid.

La femme du chef arriva dans la chambre. Harold soupira de soulagement quand elle fit irruption dans la chambre. Astrid savait tout faire, c'était indéniable. Elle était forte et courageuse. Et elle savait aussi comment maîtriser des enfants. C'était vraiment la meilleure en tout. Ce n'était pas pour rien qu'Harold l'avait épousée. Son épouse s'assit près de lui sur le lit pour réprimander ses enfants.

— Zéphyr, tu es l'aînée. Tu es sensée montrer le bon exemple à ton frère.

Le fillette baissa le regard sur ses draps et soupira. Être la fille du chef n'était pas si facile qu'on le croirait. À à peine sept ans, l'enfant subissait déjà ce lourd fardeau. Tous les gens dans le village n'arrêtaient pas de lui rappeler qu'elle était la fille du chef, donc future cheffe de Beurk. Elle devait montrer le bon exemple à tout le monde, en commençant par son frère.

Harold et Astrid tentaient de rendre son enfance la plus normale possible en ne lui parlant jamais de son futur rôle dans le village. Mais cela n'empêchait pas la jeune fille de se tracasser l'esprit. Alors, en bonne grande sœur qu'elle devait être, elle embrassa ses parents et se faufila sous ses draps. Zéphyr voulait être la meilleure cheffe que Beurk ait jamais connu. Si son frère Nuffink lui obéissait, les villageois le ferait sûrement.

— Bonne nuit papa et maman.

Astrid caressa la chevelure brune de sa fille, fière de sa maturité. Nuffink, sur son lit, regardait sa sœur avec une moue énervée. Comment pouvait-elle lui faire cela? À cause d'elle, il était obligé d'aller se coucher.

— Nuffink? Demanda Harold.

Le petit croisa les bras sur sa poitrine, décidé à ne pas bouger. Mais un regard foudroyant de la part de sa sœur suffit à lui faire rendre les armes. Il soupira et souhaita une bonne nuit à ses parents. Le couple vint le border et l'embrasser avant de refermer soigneusement la porte de la chambre.

— Ouf! Je pensais qu'ils n'aillaient pas me lâcher! Souffla Harold.

— Ils tiennent leur insistance de toi, tu ne peux pas trop leur en vouloir.

— Je le sais. Qu'est-ce qui m'a pris de vouloir leur raconter des histoires sur les dragons?

Astrid ria. Malgré les années passées, Harold restait toujours cet homme au grand cœur un peu maladroit qu'elle avait connu. Et peut-être que devant les villageois, il était catégorique sur ses décisions, il n'en faisait pas autant devant ses enfants. Harold acceptait tout ce que Zéphyr et Nuffink lui disaient. C'était le mari rêvé. Elle s'approcha de lui et enroula ses bras autour de sa taille avant de lui donner un baiser.

— Allons dormir. Proposa-t-elle.

— Oui, faisons cela.

En chemin vers leur chambre, ils remarquèrent qu'une fenêtre était restée ouverte. Harold grogna en s'approchant.

— Foutue fenêtre.

— Tu devrais penser à la faire réparer.

— Je le ferai dès demain. Le froid qu'il y a dans cette maison ne peut plus durer.

Mais en refermant la fenêtre rebelle, il vit de la lumière dehors. Ça ressemblait à un feu de camp. Mais la fumée qui s'échappait était beaucoup trop épaisse pour que ça ne soit qu'un simple feu de camp. Harold se concentra un peu plus et tenta de découvrir la nature de cette lumière orangée. Ce ne fut que quand il vit les flammes lécher une maison qu'il sut. Un incendie. En tendant un peu l'oreille, il perçut des cris de guerre.

— Que se passe-t-il? Demanda Astrid, inquiète.

— Il y a le feu, là-bas!

Son épouse le rejoignit à la fenêtre pour voir le spectacle horrible qui se déroulait sous leurs yeux. Soudain, un grand fracas se fit entendre et Rustik déboula dans leur maison, en panique.

— Harold, nous sommes attaqués! Il y a des soldats partout! Ils brûlent les maisons et nos hommes se font tuer!

Le cœur du chef battit un peu plus fort. Quelqu'un s'en prenait à son peuple et il n'allait pas les laisser s'en sortir aussi facilement. Le brun prit son épée et se dirigea vers la sortie, suivi de son ami. Beurk n'a jamais eu de problèmes avec aucun des royaumes environnants. Pourquoi s'en prendraient-ils à eux?

— Je viens avec vous! Lança Astrid.

Mais Harold n'était pas d'accord. Il s'arrêta dans sa marche et se tourna face à sa femme. Elle n'allait sûrement pas les accompagner. Bien qu'elle était une des plus puissantes guerrières du village, Harold ne voulait pas la voir sur le champ de bataille.

— Non, tu restes ici! Ordonna-t-il.

— Mais pourquoi?

— Tu dois rester avec les enfants et les mettre en sécurité.

— Mais je...

— Je ne me le pardonnerais jamais s'il arrivait malheur à toi ou aux enfants.

Soutenant le regard dur de son mari, Astrid capitula. Il avait raison. Leurs enfants ne savaient pas encore se défendre. Et avec des envahisseurs, ce ne serait pas prudent de les laisser seuls. Mieux valait rester avec eux et les protéger si un ennemi venait à entrer dans la maison. Astrid hocha la tête et embrassa passionnément son mari comme si c'était pour la dernière fois. Elle remonta les marches de chez elle et ferma la porte à clé. Quand à Harold, il courut vers l'endroit incendié pour tenter de sauver ce qu'il en restait.

Dès qu'Harold avait disparu du périmètre, Astrid réveilla les enfants. Elle n'allait tout de même pas rester à la maison comme une potiche pendant que son mari se battait pour sa vie. L'épouse du chef secoua vivement sa progéniture.

— Debout les enfants!

Doucement, ils se réveillèrent. Mais le sommeil déserta de suite quand ils entendirent une explosion pas loin. Apeuré, le petit Nuffink courut dans les bras de sa mère, où Zéphyr y était également. Les enfants ne savaient pas ce qui était en train de se passer.

— Maman, qu'est-ce que c'était? Demanda Zéphyr.

— Rien. Venez.

Elle emmena ses deux enfants dans le salon où elle écarta le tapis épais en peau d'ours. Sous ce dernier se trouvait une trappe. Zéphyr et Nuffink ouvrirent grands les yeux quand ils virent leur mère soulever une partie du plancher. Avec précipitation, Astrid poussa ses enfants dans le trou. Nuffink ne voulait pas lâcher sa main, trop effrayé par le noir. Quand ils finirent de descendre les escaliers, Astrid s'accroupit devant Zéphyr.

— Ma chérie, garde un œil sur ton frère. Ne faites pas de bruit et ne sortez sous aucun prétexte.

— Mais maman, qu'est-ce qui se passe?

— Je vais aller aider papa. Restez sage.

— Maman! Sanglota le garçonnet.

À contre-cœur, Astrid lâcha sa main et le confia à l'aînée. Elle remonta les quelques marches et referma la trappe après avoir lancé un dernier baiser à ses enfants. Nuffink ne voulait pas qu'elle s'en aille et commença à pleurer. Mais Zéphyr le dissuada de continuer en lui rappelant ce que leur mère leur avait dit de faire.

— Ça va aller, je suis là.

LegendaryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant