Chapitre 5

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Le bateau cogna le pont et Harold sauta pour atterrir sur le bois. Ses amis le suivirent et ils entrèrent dans le village calciné. Avant, il faisait extrêmement froid. Mais après l'incendie, l'air était chaud et étouffant. Le feu avait tout anéanti, ne laissant plus que des cabanes noircies et à moitié détruites. La fumée s'élevait encore dans le ciel et la cendre recouvrait le sol comme de la neige.

Le chef de Beurk avait décidé de retourner sur ses terres pour tenter de retrouver Astrid. Peut-être qu'elle a trouvé un endroit où se cacher? Son idée frôlait l'impossible. En éparpillant son équipe dans tout le village, les résultats restaient les mêmes. Tout Beurk était détruit. Les cadavres à moitié brûlés jonchaient les ruines. Harold avait peur de retrouver le corps de sa femme, allongé quelque part, noirci par le feu.

— Harold, laisse tomber. Lui dit Varek.

— Non. Il faut essayer de la retrouver.

— Mais ce n'est pas déjà ce qu'on fait depuis bientôt trois heures?

— Il faut la retrouver!

Le chef de Beurk était sur le point de devenir fou. L'attaque éclair de la veille avait bousculée le cours de sa vie tranquille. Les cauchemars avaient comblés sa courte nuit. Dans chacun d'eux, il voyait Astrid se faire tuer par ces guerriers invincibles. Il tentait à chaque fois d'effacer ce souvenir, mais c'était impossible. Il revenait à la charge à chaque fois.

Harold arriva devant sa maison. Cette dernière n'était plus que cendre, comme le reste du village. Le bâtiment s'était à moitié écroulé et il pouvait entendre quelques poutres tomber. Il ne restait plus rien de sa demeure. Celle qu'il avait partagé pendant neuf ans avec Astrid. Tous les beaux souvenirs de cette maison s'étaient envolés en une nuit.

Une larme roula sur la joue du brun. Tant d'années de bonheur partis en fumée en une soirée. Est-ce qu'il pourrait reconstruire sa maison et y habiter une nouvelle fois avec sa famille? Harold chérissait cet espoir flou et incertain. Encore fallait-il retrouver Astrid. Il n'osait pas imaginer la souffrance de Zéphyr et Nuffink si il devait leur dire que leur mère était...

« Non, elle n'est pas morte! Elle est sûrement encore en vie! Astrid est la meilleure des guerrières de ce village. » pensa-t-il.

— Oh bon sang! Cria l'une de ses amis.

Harold se retourna vivement, voyant les jumeaux, Rustik et Varek à quelques mètres de lui. Ce cri n'était pas normal. La blonde ne criait jamais de la sorte. Il y avait très peu de choses qui pouvait faire peur à un viking. Le brun accouru vers eux et quand il arriva, Rustik se mit devant lui pour l'empêcher d'avancer. Il se poussa pour passer, mais son ami le retint par les épaules.

— Laisse-moi passer! Qu'est-ce qui se passe? Pourquoi tu me retiens comme ça?

— Harold, c'est... Tu ne devrais pas voir ça.

— Voir quoi?

— Rentrons.

— Rustik, laisse-moi passer!

Mais il ne voulait pas s'écarter de son chemin. Harold regarda par-dessus son épaule et vit les jumeaux se prendre dans les bras. Près d'eux, Varek avait les yeux baissés et une mine horrifiée. Le brun voulait savoir pourquoi agissaient-ils ainsi. Alors, il poussa Rustik et se précipita vers les trois autres membres de son équipe.

— Harold, non!

Trop tard. Il était déjà arrivé. Ses amis tentèrent de l'empêcher de regarder, mais il l'avait déjà vue. Harold trembla de tout son être et les larmes vinrent d'elles-même. Devant lui se trouvait un cadavre à moitié calciné, une hache plantée en pleine poitrine. C'était la hache d'Astrid. Le corps était celui d'une femme blonde aux yeux bleus. La moitié de son visage avait été dévorée par les flammes. Il ne fallu pas plus d'une seconde pour Harold de reconnaître l'iris bleu qui avait été épargné par le feu.

Harold sentit son cœur battre plus fort. Il ne pouvait pas y croire. C'était trop pour lui. Ses mains se mirent à trembler et les larmes ne s'arrêtaient plus. Le chef de Beurk tomba à genoux et laissa échapper un sanglot. Il avait perdu son père, son meilleur ami et sa femme. Pourquoi le sort s'acharnait sur lui? Ce n'était dont pas assez de le faire souffrir par toutes ces précédentes pertes? Qu'allait-il devenir? Qu'allait-il dire à ses enfants?

— Pourquoi tu ne m'as pas écouté?! Cria-t-il à plein poumons.

Ses sanglots semblaient ne plus en finir. Sa tristesse semblait éternelle. Derrière lui, ses amis restaient silencieux, respectant sa douleur. Astrid était également leur amie. Après toutes les années passées ensemble et les aventures partagées, ils étaient plus que des amis. Ils étaient devenus des frères. Et perdre une sœur était une chose bien difficile. Mais perdre l'amour de sa vie l'était encore plus.

Harold avait perdu sa moitié. Celle qui a partagé presque trente ans de sa vie venait de s'en aller pour toujours. C'était pire que de recevoir un coup de couteau. La douleur était multipliée par mille. Le brun pleurait et ne s'arrêtait pas. Il se posait un million de questions. Pourquoi ne l'avait-elle pas écouté? Pourquoi était-elle sortie? Pourquoi était-elle morte? Harold n'aurait jamais les réponses qu'il voulait.

— Je suis désolé, Harold.

Kognedur posa une main sur son épaule, tentant de le réconforter.  Mais en vain. Le monde du brun s'était écroulé en une fraction de seconde. La solitude serait son éternelle compagne. Depuis son adolescence, il n'y avait que lui et lui seul. Et là, il était encore seul. Le destin lui retirait constamment la moindre étincelle de bonheur. Harold avait espéré vieillir aux côtés d'Astrid et voir leurs enfants s'épanouir. Tout ça n'était plus qu'un beau souvenir.

Le brun avait tellement pleuré qu'il n'avait plus de larmes. Il se releva, les genoux tremblants et posa les yeux sur ce qui restait de sa femme. Malgré le fait qu'elle soit morte injustement, elle s'était battue pour son peuple. Elle est morte honorablement.

— Elle mérite un enterrement digne d'elle. Dit-il d'une voix brisée.

Ses amis hochèrent la tête et se mirent au travail. Ils enroulèrent le cadavre dans un tissus blanc et le mirent dans une barque. Et comme pour Stoïck, Harold tira une flèche qui brûla l'intégralité de la barque. Il aurait souhaité ne plus jamais avoir à refaire ce geste. Quand son père quitta ce monde, Astrid avait été à ses côtés pour le soutenir. Il en avait été de même pour sa mère. Mais là, c'était elle qui partait au loin. Dans les bras de qui allait-il pleurer?

À partir de cet instant, ce serait lui et lui seul. Ce serait dans ses bras que ses enfants allaient pleurer la mort de leur mère. Il allait gouverner ce qui restait de Beurk, tout seul. Car la solitude était la seule chose qui ne lui a pas été enlevé.

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