Legendary

Chapitre 43

La Région Centre n'était pas vraiment comme Raiponce l'avait imaginé. Puisque c'était la seule région de ce monde souterrain où la magie était plus ou moins intacte, elle avait pensé que ce serait beaucoup plus... accueillant. C'était aussi ce qu'Anna pensait. Mais tous les sens de la reine d'Arendelle étaient en alerte, ce qui n'était pas une bonne chose. Anna garda sa main sur le manche de son épée, appréhendant un ennemi.

La RC était essentiellement constituée de hautes haies parfaitement taillées. Les lieux étaient plongés dans un silence sinistre et de la brume flottait au sol, arrivant jusqu'aux mollets des voyageurs. Au-dessus d'eux, le ciel liquide semblait grisâtre, comme présage d'une averse et les haies n'arboraient pas cette couleur verdâtre habituelle. Elles n'étaient pas de couleur pastelle, comme dans cette région monstre. Elles étaient d'un vert sec. Triste. Mérida pouvait même dire que c'était une nouvelle nuance de vert: le vert mort. Cet endroit avait beau être intact magiquement parlant, il n'inspirait rien de bon.

— Ce n'est pas vraiment ce à quoi je m'attendais. Commenta Anna.

— Moi non plus, mais c'est la dernière ligne droite. Regarde.

La reine de Corona pointa le ciel pour voir un pilier lumineux au loin. Ce dernier atteignait l'océan en un tourbillon. C'était sûrement la magie suprême. Elle venait du fin fond des abysses et se projetait dans l'océan pour se partager entre les quatre royaumes. Ils n'étaient plus très loin de leur but. Les trois reines furent contente que leur périlleux voyage touche enfin à sa fin. Harold de même, mais il trouvait que c'était un peu trop facile. Il regarda autour de lui pour examiner ce que Raiponce appelait "la dernière ligne droite".

— Je ne pense pas que ça soit une ligne tout à fait droite. Dit-il.

— Comment cela? Demanda Mérida.

— Ces haies ne servent pas de décoration. C'est un labyrinthe.

L'enthousiasme des deux cousines chutèrent d'un cran. Tout avait été planifié pour leur éviter de souffler, ne serait-ce qu'un peu. Et quelque chose disait à Mérida que ce n'était pas un simple labyrinthe. Ce royaume souterrain leur avait déjà montré l'étendue de sa biodiversité. Cela avait appris à la Reine Ours à se méfier, surtout des apparences.

— Ne perdons pas de temps. Dit-elle.

Tous les quatre s'enfonçèrent alors dans le labyrinthe, restant parfaitement groupé pour éviter d'être séparé. Tout autour d'eux régnait le silence. Il n'y avait rien pour la briser, à part le bruit de leurs pas dans l'herbe mouillée. Le frottement de leurs chaussures contre la verdure provoquait un couinement presque drôle s'ils n'étaient pas dans un labyrinthe où ils pourraient probablement mourir. Anna préféra ne pas penser à ce genre de chose et se concentrer sur la route à prendre. Et il fallait dire que ce n'était pas une partie de plaisir. La reine d'Arendelle détestait les labyrinthes.

Et pendant qu'elle se plaignait du nombre de cul de sac qu'elle avait croisé en à peine quelques minutes, Harold entendit un bruit. C'était un son qui lui était bien familier. Mais c'était tout simplement impossible que Krokmou les ait suivi jusque là. Le reptile était resté sagement sur le bateau avec ce demi-dieu assez étrange. Ou aurait-il décidé de désobéir? Si ça avait été le cas, Harold l'aurait immédiatement su. Un Fury Nocturne, ça ne passait pas inaperçu. Et pour prouver que son ami était bel et bien à la surface, il sentit une drôle d'odeur. Une odeur de... brûlé. De trop brûlé.

L'air lui semblait soudainement lourd et étouffant. Le dragonnier était sûr qu'il y avait un dragon dans les parages. Ces reptiles étaient les seuls qui pouvaient dégager une telle chaleur sans même cracher du feu. Mais, autant que ça? Harold avait l'impression de commencer à rôtir. Quel genre de dragon était-ce? Un alpha? Comme celui qu'il avait combattu avant de perdre sa jambe? N'y tenant plus, il se retourna et ses yeux s'écarquillèrent. 

— Oh bon sang...

Les trois reines réagirent au quart de tour et se tournèrent également pour voir ce qui attirait tant l'attention de leur ami. La mâchoire de Mérida faillit se décrocher quand elle vit le dragon géant à un autre bout du labyrinthe. Krokmou était impressionnant, mais ce dragon battait tous les records. La bête faisait probablement plus de dix mètres de haut. Un long cou digne d'une girafe ondulait alors que sa tête se baissa légèrement pour que ses deux yeux verts puissent fixer les quatre souverains. Mais ce n'était pas le plus étonnant. Une fumée noire s'échappait de son corps, comme s'il venait de sortir tout droit des enfers.

La reptile ouvrit sa grande gueule et laissa échapper un jet de flamme vert en direction des voyageurs. La rousse n'eut d'autres choix que de pousser Harold pour lui éviter une mort similaire à celle de son épouse. Tous deux tombèrent sur un côté, Anna et Raiponce de l'autre. Le cœur battant à tout rompre, personne ne remarqua que le dragon venait de calciner une bonne partie des haies. Surprise par ce soudain revirement de situation, Raiponce s'était faite mal en s'écartant des flammes. Quand elle rouvrit les yeux, une partie importante du labyrinthe avait été mise à cendre pour laisser apparaître...

—... L'armée fantôme.

Anna n'en cru pas ses yeux. À quelques mètres d'eux se tenait fièrement deux rangées de soldats de fumée noire. Derrière eux se trouvait le dragon noir. Et devant ce dernier avançait un homme. C'était le seul qui ne dégageait pas de fumée noire et il etait habillé comme tout humain s'habille. Et à en croire le sourire qu'il affichait, ce n'était pas un allié. Ses mains étaient croisées derrière son dos, laissant voir sa grosse bedaine.

— Je suis désolé de devoir me présenter de la sorte. Mais voyez-vous, j'ai un emploi du temps extrêmement chargé et je me dois de clore cette affaire le plus rapidement possible.

Mérida n'aimait pas le timbre de sa voix. Alors, était-il celui qui avait invoqué cet être maléfique? Ça ne pouvait être que lui, vu qu'il portait une amulette à la pierre bleue claire autour du cou. Sans attendre plus, la Reine Ours pensa à une stratégie pour lui arracher ce bijou. Mais comment? Ils étaient quatre contre toute une armée des ténèbres.

— Mais d'abord, permettez-moi de me présenter.

Le grassouillet fit une révérence qui eut pour effet de dégoûter la reine de Dunbroch. Il osait faire de telles politesses devant ceux qu'il avait fait souffrir sans ressentir le moindre remord. Elle n'en avait que faire de qui il était. Tout ce qu'elle voulait, c'était enfoncer son épée le plus profondément possible dans cette mauvaise graisse. Mérida voulait que cet homme connaisse un sort aussi terrible que ce qui était arrivé à ses parents, à Astrid et aux parents de Raiponce. Après une longue inclinaison, le nouveau venu s'éclaircit la gorge pour se présenter.

— Je m'appelle Jack Horner. Et je suppose que nous avons assez de temps pour que je vous raconte mon histoire, n'est-ce pas?