Chapitre 4

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Loin de la côte et derrière la forêt, le majestueux royaume de Dunbroch s'étalait. Le palais siégeait sur une falaise, surplombant toute une ville. La grande bâtisse de pierre était habitée par la reine Mérida, qui était assise sur son trône, écoutant les rapports des sentinelles. Ces derniers arrivèrent aux alentours de midi. Près d'elle, trois armoires à glace restaient debout. C'étaient les capitaines Harris, Hubert et Hamish, frères de la reine, princes de Dunbroch.

Malgré le fait qu'ils étaient des triplés, on pouvait facilement les différencier. Le prince Harris avait une balafre qui barrait son œil gauche, partant du front jusqu'à la pommette. Ses cheveux courts arboraient les éternelles boucles rousses de la fratrie. Hubert, quand à lui, s'était laissé pousser la barbe. Le prince Hamish s'était laissé pousser les cheveux. Sa chevelure flamboyante lui tombait dans le cou et quelques mèches tombaient sur son front.

Quand au cas de Mérida, elle était toujours la même. À quelques exceptions près. La jeune femme avait grandi et avait gagnée en force. Ses cheveux gardaient leur longueur d'antan et n'avaient pas perdus de leur splendeur. Le bleu saphir de ses yeux avait, quand à lui, perdu son éclat. Si il y avait neuf ans, elle rêvait de liberté, neuf ans après, elle fut confrontée à la dure réalité. Les rêves restaient des rêves. Il fallait vivre dans l'instant présent.

— Vos majestés. Dit le garde en s'inclinant. Nous sommes la patrouille de jour et nous venons vous informer de l'arrivée d'inconnus sur nos terres.

— Par quel côté sont-ils arrivés? Demanda à son tour le prince Harris.

— Par la plage Nord, mon capitaine.

— Savez-vous qui sont-ils? Demanda Hubert.

— Non, mon capitaine. Ils n'ont pas de drapeau et pas d'armée. Ils sont une centaine tout au plus si l'on compte les femmes et les enfants.

— Avez-vous vu leur chef? Demanda alors Mérida.

— Non, votre majesté.

Mérida hocha la tête. Un peuple sans chef ni drapeau? Pour la reine, il n'y avait que deux possibilités: soit ces nouveaux venus étaient des barbares, soit ils étaient les survivants d'une attaque. Dans le premier cas, il n'y aurait aucun problème. Dunbroch se tiendrait prêt pour se battre. Des barbares sans chef ni stratégie n'étaient pas les ennemis les plus redoutables qu'ils aient eut à combattre.

— Qu'en pensez-vous, les garçons? Demanda-t-elle.

— On devrait aller vérifier. Proposa Hamish.

— Oui, ce serait plus prudent. Acquiesca son frère balafré.

— Bien. Dans ce cas, retournez à la plage et surveillez leurs agissements. Conclut Mérida. Je leur donne une journée pour envoyer un représentant au palais pour signaler leur présence. Dans le cas contraire, vous irez chercher leur chef. Si il n'y pas de chef, vous les capturez tous.

— Oui, votre majesté. Répondit la sentinelle.

Le garde se leva et tourna les talons. Son ami le suivit, ainsi que le prince Harris. Il devait préparer une troupe au cas où ces intrus tenteraient quelque chose. Quand aux autres, ils suivirent Mérida dans son bureau. Initialement, c'était le bureau de leur mère. Mais depuis la tragédie, c'était celui de leur sœur aînée. ce dernier était un désordre sans nom. Des centaines de cartes et de feuilles jaunies étaient éparpillées partout où épinglées sur les murs.

Si Elinor avait encore été là, elle aurait fait la leçon à sa fille. Elle lui aurait dit qu'une princesse se devait de vivre dans un environnement propre et rangé. Si, au début, Mérida aurait balayé sa leçon d'une main, à cet instant, elle souhaitait l'entendre la réprimander encore une fois. Mais plus jamais elle n'entendrait sa mère lui parler. Depuis la guerre, tout était arrivé trop tôt pour elle. Elle avait était élue reine trop tôt. Elle était à la tête d'un royaume trop tôt. Ses frères étaient devenus des hommes trop tôt. À vingt ans, elle devait déjà porter cette lourde couronne.

C'était la couronne de sa mère. C'était un symbole de la royauté. Mais Mérida ne s'en sentait pas digne. Elle sentait qu'elle n'était pas devenue ce que sa mère voulait qu'elle devienne. C'était même tout le contraire de ce qu'Elinor voulait. La déception qui la rongeait depuis neuf longues années la poussa à enfermer la couronne dans le bureau, posé sur un socle. Elle n'était pas digne de porter la couronne d'une aussi grande reine qu'Elinor. Mais Mérida n'était pas sa mère. Et la dernière chose qu'elle voulait, c'était tout faire comme elle.

Jetant un regard éternellement triste à la couronne baigné dans un rayon le soleil filtrant par la fenêtre, Mérida poursuivit son chemin pour trouver une carte  accrochée au mur. Cette dernière représentait les terres anglaises et les royaumes environnants. Hubert et Hamish se mirent près d'elle pour voir la carte.

— Si ces gens sont arrivés sur nos plages, c'est qu'il ont navigué en bateau. Dans ce cas, ils viennent sûrement d'une île quelque part dans le Nord.

Mérida entoura de son index quelques îles au Nord de leur pays pour appuyer ses dires. Ses frères étaient d'accord avec elle. Restait à savoir de quelle île il s'agissait. Et c'était un peu difficile car les peuples de ces îles étaient quasiment inconnus. Ils n'étaient pas connus de tous les royaumes.

— Ça ne va pas être facile de reconnaître leur nation sans drapeau. Commenta Hamish.

— Nous devons attendre qu'ils viennent d'eux-même. Compléta Hubert.

— Ils ont un jour pour se rendre ici. Ne sauront bientôt qui ils sont et ce qu'ils veulent. finit Mérida.

Hamish quitta la salle peu après, laissant Mérida et Hubert seuls. Et tandis que la reine continuait d'examiner la carte pour tenter de trouver un indice sur les nouveaux arrivants, son frère s'approcha de la couronne de leur mère, posée sur un socle en bois et enfermée dans une vitrine aux bords faits de bois. Le diadème en or brillait sous les rayons du soleil, rappelant au jeune homme sa défunte mère. Il l'aimait tellement. Elle ne méritait pas un sort aussi cruel.

— Mérida?

— Oui?

— Pourquoi tu ne veux pas porter la couronne de mère?

— Parce que je ne me sens pas digne de la porter.

— Tu sais que c'est ridicule?

— Peut-être, mais je ne me sens pas capable de la porter. Elle a longtemps été sur la tête d'une reine qui aspirait à la perfection. Une reine qui était la perfection.

— Tu penses donc ne pas être parfaite?

— Exact.

— Mérida, cette couronne est passée d'une reine à une autre. Qu'est-ce qui te dis qu'elles étaient toutes parfaite?

— Je le sais Hubert, mais...

Elle soupira. Ce n'était pas uniquement à cause de la réputation de sa mère qu'elle ne voulait pas porter cette couronne. Mérida avait déjà trop souffert. Elle ne voulait pas souffrir plus en portant un souvenir de sa génitrice sur elle. Devant ses sujets, Mérida était une reine impitoyable. Certaines rumeurs disaient même qu'elle n'avait pas de sentiments. Mais c'était totalement faux. Elle risquait de craquer si elle ne fermait pas son cœur à clé.

Voyant le silence meurtri de sa sœur, Hubert quitta la couronne pour prendre Mérida dans ses bras. Il savait que c'était beaucoup de pression pour ses frèles épaules. Mais avoir un symbole marquand que leur mère avait bien été présente, ça pourrait les aider à surmonter le deuil, selon lui. Penser que leurs parents étaient présents dans leurs cœurs pour veiller sur eux, Hubert s'accrochait à cela. Mais Mérida n'était pas aussi facile à convaincre.

— Ils me manquent cruellement. Dit-elle en posant son front contre le torse de son frère.

— À moi aussi.

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