Chapitre 49 - Fabian

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Ils étaient déjà passés par là, plusieurs fois.

Fabian avait souvent assisté aux phases dépressives et destructrices de Sirius. Mais celle-ci semblait battre tous les records. Si, les fois précédentes, il essayait de faire semblant, de montrer aux autres que ça allait, ne serait-ce qu'un minimum, cette fois-ci, il ne s'en donnait même pas la peine. Avant, s'il tenait le coup, s'il faisait en sorte de garder la face, c'était surtout pour Regulus, pour lui assurer que tout irait bien.

Mais, aujourd'hui, ils étaient tous les deux dans le même bateau et, l'un comme l'autre, avaient du mal à tenir la barre.

Fabian comprenait, c'était délicat de se retrouver dans cette situation. De devoir gérer avec des émotions si opposées. Et de devoir accepter le fait de pleurer quelqu'un qui vous avait blessé. Dans tous les sens possibles du terme.

Ce qui était surtout difficile pour Fabian était de voir que Sirius était tombé si bas, alors qu'il avait récemment réussi à atteindre des sommets.

C'était toujours dur, de voir ses amis souffrir, d'autant plus dans cette situation. Fabian s'était toujours promis de prendre soin de Sirius. Il le ferait, encore, jusqu'à ce que la lumière perce les nuages.

Ça lui demanderait beaucoup de patience, mais il en avait en réserve. Sa nouvelle mission était de faire retrouver le sourire à son ami, à son niveau, même juste un tout petit peu. Parce que, très rares étaient les fois où Sirius ébauchait ne serait-ce qu'un sourire. Quand il le faisait, c'était lorsqu'il semblait se rappeler qu'il y avait du monde autour de lui qui se faisait du souci. Alors il faisait un effort.

Fabian passait souvent à la boutique, à des horaires variés, apportant soit un repas, soit un café. Le but était simplement de passer un peu de temps avec Sirius, de lui faire savoir qu'il était là.

Il avait organisé des soirées foot ou rugby, jeux vidéo, des sorties au cinéma, il avait même réussi à le motiver pour aller faire des footings à Hyde Park.

Sirius venait tout le temps. Parce qu'il savait que c'était ce qui était attendu de lui. Mais l'étincelle qui lui était propre restait aux abonnés absents. Peu importe ce qu'ils faisaient, quelque chose s'était éteint et avait du mal à retrouver le chemin.

Gideon l'avait amené faire le tour des friperies de Camden, un dimanche. Quand il était rentré chez eux, il avait simplement dit à Fabian « je me fais vraiment du souci pour lui ».

Gideon adorait Sirius, malgré les possibles différents qu'ils aient pu avoir, mais les fois précédentes, quand Sirius n'allait vraiment pas bien, il ne l'avait jamais remarqué.

Fabian avait tâché d'être plus vigilant, il avait tâché de lire entre les lignes comme James savait si bien le faire. Il avait essayé de lui dire ce dont il avait besoin d'entendre. Mais, à l'heure actuelle, ce n'était pas de lui dont Sirius avait besoin.

Fabian avait remarqué. Les marques laissées dans son cou qu'il ne prenait pas la peine de camoufler, le tremblement dans ses mains quand il portait ses cigarettes à sa bouche, il était même convaincu que s'il lui retirait son pantalon, il verrait des marques sur ses jambes.

Ils étaient repartis en arrière, et Fabian se sentait impuissant.

Quelques fois, au milieu de la nuit, son téléphone sonnait, et Sirius se trouvait devant sa porte d'entrée. La mine défaite, les yeux cernés. Alors. Ils passaient le reste de la nuit à discuter. De tout, surtout de rien. Sirius venait pour se changer les idées, pour sortir un temps de cette spirale qui l'attirait et contre laquelle il avait du mal à lutter.

Fabian abordait toujours des sujets légers, sauf une fois. Juste une, où il lui avait dit « tu te protèges, au moins ? »

Sirius n'avait même pas soupiré, il s'était redressé sur le lit, prêt à partir. C'était comme ça qu'il évitait les sujets qui l'agaçaient, maintenant. Il s'en allait, sans un mot. Fabian s'était saisi de son poignet et avait fait en sorte qu'il croise son regard.

—Je ne te demande pas ça pour te faire chier, Sirius. Je veux juste être sûr que tu es en sécurité. C'est tout.

—J'pensais que tu me connaissais assez pour savoir que j'étais pas con au point d'aller tringler le premier venu sans penser à me protéger.

—Je le sais déjà, mais je voulais juste m'en assurer. Je m'inquiète.

—Ça changerait quoi de toute façon ?

—Tout ? J'ai pas envie qu'il t'arrive une merde, je tiens trop à toi pour ça.

Son regard s'était adouci et il s'était laissé retomber sur l'oreiller. Il avait passé sa main dans les cheveux de Fabian en disant « je fais attention ». Et Fabian y crut. Parce que Sirius avait toujours fait en sorte de faire attention. Il flirtait avec les limites, mais ne les franchissait jamais vraiment.

C'était difficile de voir un ami souffrir, ça l'était d'autant plus quand deux étaient malheureux.

Fabian avait toujours eu du mal à mentir. Petit, on lui avait appris que c'était mal, adolescent ont lui avait dit que cacher une vérité pouvait parfois avoir du bon. Aujourd'hui, à l'âge adulte, il avait encore du mal à se faire son propre avis.

Au détour d'une soirée, il avait abordé Sirius avec ses collègues de travail. Ou plutôt, il avait abordé sa boutique pour quelqu'un qui cherchait une composition florale pour une crémaillère.

Remus lui avait simplement demandé comment il allait. Et Fabian n'avait pas su quoi répondre. Il avait d'abord dit « oh, ça va ! », puis il avait bien compris qu'il n'était pas crédible. Alors, il avait simplement dit la vérité, aussi douloureuse soit elle.

—Ça va pas. Je m'inquiète pour lui.

La culpabilité de Remus était palpable, sa tristesse aussi. Quand il avait soufflé « je n'aurais jamais dû partir », Fabian avait secoué la tête.

—Non. Enfin, si. Je suis d'accord avec toi, sur le fait qu'il doive apprendre à s'aimer et s'entendre avec lui-même. La route est longue, c'est tout. Et ce n'est jamais agréable de voir ses amis souffrir, même si c'est pour leur permettre le meilleur ensuite.

Remus lui avait souri, et Fabian avait bien compris qu'il avait souri uniquement pour lui faire plaisir.

C'était difficile, de voir ses amis souffrir.

TendernessOù les histoires vivent. Découvrez maintenant