Chapitre 59 - Octobre

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Sirius enfonça sa main dans la poche de son jean après avoir sonné.

La porte s'ouvrit, et il eut l'impression de respirer à nouveau.

Il était là.

Il était bel et bien là.

En chair et en os.

Beau.

Surpris.

Là. Devant lui. A quelques pas.

Sirius avait envie de s'accrocher à son cou pour le serrer fort, si fort contre lui. Il voulait enfoncer son nez contre sa peau, inhaler et s'enivrer de son odeur. Il voulait sentir son cœur battre contre la paume de sa main, puis contre son propre cœur. Parce qu'ensemble, ils battaient au diapason, à l'unisson.

Ils s'observaient, et Sirius sentait bien que ni l'un ni l'autre ne savait comment réagir à la situation. Qui devait dire le premier mot ? Qui devait faire le premier pas ? Réalisaient-ils seulement qu'ils se tenaient face à face après tout ce temps ?

—Salut, Remus... souffla finalement Sirius en passant une main contre sa nuque.

Les yeux de Remus étincelaient. Mais Sirius n'aurait pas su dire si cette impression provenait de ses propres yeux qui, eux aussi, brillaient.

—J'te dérange...

—...Tu veux entrer ?

Ils avaient parlé en même temps et s'étaient tus au même moment.

Ils se regardèrent, embarrassés et esquissèrent le même sourire gêné.

—Tu ne me déranges pas. Dit alors Remus. Est-ce que tu veux entrer ?

—Dans ma tête, j'te faisais une déclaration devant ta porte. Pour la symbolique. Répondit-il, taquin.

Remus ricana en passant une main sur son visage, puis son pouce s'arrêta sur ses lèvres et il le mordilla nerveusement, ses yeux braqués sur Sirius.

Il fallait que Sirius dise quelque chose avant que Remus ne dise ce qu'il avait sur le bout des lèvres.

—Je suis tellement désolé, Sirius.

Trop tard.

—T'étais pas censé parler, Remus. Juste écouter. Viens pas faire foirer mon scénario, s'il te plaît.

Les fossettes de Remus se creusèrent, et il s'appuya contre l'encadrement de sa porte, croisant les bras autour de lui.

—Alors, je t'écoute...

Sirius ferma les yeux, inspira, expira et rouvrit les yeux. Plongeant son regard dans les yeux dorés de Remus, qui semblaient fatigués mais toujours emplis de cette douceur bouleversante. Comme si elle était à toute épreuve.

—Je suis désolé. C'était comme ça que ça devait commencer. Tu devais ouvrir ta porte, et à peine ouverte, je te disais que j'étais désolé. Pour tout. Tu m'as pas repoussé. C'est moi qui l'ai fait, inconsciemment. Parce que ça me fait peur tout ça. Tu me fais peur, un peu. Parce que t'es gentil, parce que tu communiques, et que moi j'sais pas communiquer autrement que par de l'attention ridicule. Enfin, j'savais pas. J'y travaille. J'essaie. Ça me fait peur parce que j'suis tombé à tes pieds beaucoup trop facilement, et que j'ai essayé de me voiler la face. Ce soir-là, j'ai attendu de toi que tu saches un truc sans que j'ai à te l'expliquer. Et c'était pas correct. J'crois qu'en plus de te dire que j'suis désolé, j'dois te remercier. Tu m'as rendu service, en fait. J'étais au fond du bac, vraiment. Mais ça m'a permis de réaliser certaines choses. J'vais pas super bien, Remus, te dire le contraire ça serait te mentir. J'm'aime certainement toujours pas comme il faudrait. Ça viendra peut-être un jour, mais c'est long. Mais ce qui est le plus long, c'est d'essayer de guérir tout ce merdier alors que t'es pas là. Ça ferait pas avancer les choses plus vite, ça permettrait pas de résoudre tous mes traumas en un claquement de doigts, on est d'accord, mais ça apporterait de la douceur à tout ce bordel. J'ai besoin de toi. Et j'ai besoin d'apprendre à vraiment communiquer avec toi. Mais si t'es pas là, j'fais comment, Remus ? J'suis lassé de parler à un fantôme de toi. De faire comme si tu étais là, alors que c'est pas le cas. J'entends ta voix dans tout ce que je fais. Et, crois-moi, y a des moments où j'aurais préféré ne pas l'entendre. J'ai pas les mots pour te remercier de ce que tu as fait pour moi. D'être venu à l'enterrement, et le soir où j'ai vraiment déconné. T'avais pas à le faire. Avec le recul, je me rends compte à quel point tout ça prouve que tu tenais à moi, et je me sens stupide d'avoir pu en douter. J'ai l'impression qu'il s'est passé une vie entière depuis qu'on s'est vus pour la dernière fois. Tu m'as manqué chaque putain de jour, et je t'ai aimé chaque putain de jour. T'es le premier qui m'a tenu sans me faire mal, Remus, et je réalise que sans toi, j'ai mal.

TendernessOù les histoires vivent. Découvrez maintenant