Chapitre 53 - Tom

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Tom se foutait royalement de ses clients. Vraiment.

Ils savaient dans quoi ils se lançaient quand ils venaient lui acheter quoi que ce soit. Ils étaient grands, majeurs et responsables.

Si, pour les nouveaux clients, il se donnait la peine de leur servir le baratin de sécurité habituel, se déchargeant ainsi de toute responsabilité, pour les autres, il se chargeait simplement de leur fournir leurs produits, sans un mot.

Ses clients savaient dans quoi ils s'embarquaient, ils savaient quoi faire et comment le faire et, s'ils venaient à merder, c'était de leur propre faute.

Sa cam' était clean. La plus clean possible.

Tom se foutait royalement de ses clients et de ce qui pouvait les motiver à venir lui acheter herbe, poudre, cachetons ou toute autre merde. Chacun avait ses raisons, et ce n'était pas ses affaires. Il ne se mêlait jamais de la vie privée de ses clients, c'était la porte ouverte à de bien belles merdes par la suite, et les merdes, il avait appris à en rester le plus loin possible.

Par contre, quand il s'agissait de Sirius, tout était différent.

Là, il s'inquiétait.

Sirius savait ce qu'il faisait. C'était peut-être ça le problème. Il savait ce qu'il faisait, il connaissait ses limites, et il était sérieusement en train de flirter avec. En toute conscience.

Ils se connaissaient depuis le collège. Ils avaient toujours été dans la même classe. Seulement, Tom était l'outsider. Là où Sirius, et James, étaient ceux qu'on voyait le plus. Tom, lui, passait inaperçu.

James et Sirius le saluaient toujours, surtout Sirius, mais leur relation s'arrêtait là.

Tom avait observé de loin l'amitié entre les deux garçons. La voyant évoluer et s'intensifier années après années. Cette amitié dépassait toutes les limites du possible, c'était étrange et beau à voir.

Intérieurement, Tom espérait pouvoir faire partie de leur groupe. Sirius, James, Peter, et les jumeaux Prewett étaient les « cool kids » de tout l'établissement, ceux avec qui tout le monde voulait être amis, ceux pour qui les filles se crêpaient le chignon. Tom aurait voulu marcher à leurs côtés, et être aussi cool qu'eux.

Ca n'avait jamais été le cas. Et les amis qu'il s'était fait au fil des ans n'étaient pas le standard de ceux de James Potter, qui semblait être celui qui décidait de qui pouvait entrer dans leur bande très select'.

C'est vrai qu'ils n'étaient pas d'une excellente fréquentation, mais, au moins, Tom avait réussi à trouver son cercle d'amis, et une dynamique de groupe qui lui convenait. Sans trop savoir comment, ils s'étaient retrouvés à vendre de l'herbe. Petit à petit, le business avait payé ses fruits. Puis, au fil des ans, Tom ne s'était plus mis à vendre que de l'herbe. Il avait finalement réussi à construire son réseau, et se trouvait presque à la tête d'un empire. Il ne comptait plus les galères qu'il avait subi, les coups qu'ils avaient reçus pour en arriver là, mais les camés de Londres étaient à ses pieds. Quels que soient leurs profils.

L'avantage des écoles privées, c'est qu'on y trouvait des enfants de riches complètements paumés. Ceux qui se devaient à tout prix de réussir leurs examens, ceux qui croulaient sous la pression de leurs parents, ceux dont l'héritage familial semblait reposer sur leurs jeunes épaules, et tant d'autres.

Et Sirius.

Un jour, après avoir lacé ses crampons de rugby, Tom avait relevé la tête et ses yeux étaient tombés précisément sur la jambe que Sirius enfilait rapidement dans son short rouge et or.

Avant de se demander pourquoi, il se demanda si James savait, ou si Sirius gardait ce secret pour lui-même.

Sirius se trimballait toujours torse-nu dans les vestiaires, toujours. Par contre, Tom n'avait jamais eu le souvenir de le voir en caleçon comme ils l'étaient tous avant ou après un match. S'il était le dernier à enfiler son pull, il était le premier à enfiler ses pantalons.

Ce même jour, il avait donc compris pourquoi. Les cicatrices que Sirius avait sur le haut des jambes, la petite sœur de Tom les avaient au poignet.

A partir de là, sans trop savoir comment, Tom avait réussi à faire de Sirius son ami. En fait, si, il savait. Tom avait agi comme un connard, et il en était conscient. Ce même jour, au moment de partir du vestiaire une fois le match terminé, Tom avait fait en sorte de bloquer l'accès à la sortie à Sirius, lui glissant "j'ai des trucs qui peuvent t'aider", Sirius lui avait demandé de quoi il parlait en fronçant les sourcils, Tom avait pointé son doigt sur les cuisses de Sirius. Sirius lui avait envoyé un violent coup d'épaule et était parti.

Deux jours après, il était venu lui demander de l'herbe. Puis, plus tard, la cocaïne s'était ajoutée au mélange d'herbe et d'alcool. Ensemble, ils avaient testé d'autres drogues qu'ils n'auraient jamais dû avoir entre leurs mains. Ensemble, ils avaient pris leur premier shoot d'héro. Si Tom avait toujours réussi à avoir une consommation "raisonnée", Sirius s'était engouffré dans l'addiction la tête la première. Tom s'en était toujours voulu, mais ils étaient amis. Ils ne partageaient pas que de l'herbe ou de la poudre, ils partageaient bien plus.

Au fil des ans, Tom avait vu Sirius faire des allez retours plus ou moins rapprochés jusqu'à chez lui, et il préférait quand il ne venait pas, ou qu'il ne l'appelait pas à quatre heures du matin. Généralement, ça voulait dire qu'il allait bien, et c'était ce qui était important. Dans ces moments où il ne venait pas, il prenait quand même la peine de lui écrire, de prendre rapidement de ses nouvelles, et des nouvelles de sa sœur. L'avantage avec Sirius, c'est que Tom n'avait pas besoin de réfléchir pour déterminer s'il était en colère, triste ou heureux. Son comportement, sa façon de parler ou d'agir, communiquaient pour lui. Et Tom savait aisément comment graviter autour de cette multitude d'émotions par lesquelles Sirius passait. Il avait voulu être son ami et, s'il ne l'avait pas fait de la manière la plus honnête possible, il avait eu le temps d'apprendre à comprendre comment il fonctionnait.

Quand Sirius avait fait sa tentative de suicide, James avait débarqué chez lui et avait mis son studio de l'époque sans dessus-dessous. Tom s'en souvenait encore et s'en souviendrait certainement jusqu'à la fin de ses jours.

James lui avait hurlé dessus que c'était de sa faute et que s'il ne lui avait jamais proposé quoi que ce soit, Sirius n'en serait pas là.

James n'avait peut-être pas tort, et sa phrase raisonnait toujours dans un coin de la tête de Tom. A chaque fois qu'il tendait un pochon de quoi que ce soit à Sirius.

Il avait pourtant plusieurs fois refusé de le servir. De nombreuses fois, même. Mais, Tom devait l'avouer, il avait du mal à refuser quelque chose à Sirius. Il suffisait qu'il regarde une seconde de trop au fond de ses iris pour aller lui chercher ce qu'il lui avait demandé.

Cette fois, par contre, il faisait en sorte de ne jamais céder. Même quand Sirius lui maintenait qu'il irait trouver ce dont il avait besoin ailleurs.

En soit, Tom s'en fichait. Mais il savait que la qualité serait merdique et que Sirius se mettrait encore plus en danger. Alors il tentait de le raisonner, et parfois ça fonctionnait.

Il l'accueillait chez lui, quand il ne recevait pas d'autres gens qui risquaient de l'influencer, et autour d'une cigarette, il réussissait à le faire un peu parler. Ils échangeaient sur tout, sauf sur ce qui contrariait Sirius. Tom lui faisait parler de moto, et de musique, et le temps de quelques heures, Tom réussissait à faire oublier à Sirius qu'il était venu chercher des substances. Parfois, il partait de chez lui les mains vides.

Tom se fichait royalement de ses clients. Mais pas de Sirius.

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