Ses années à la tête de la garde filèrent comme des lièvres. Sans doute parce que vingt-quatre heures suffisaient à peine à faire ce qu'il devait chaque jour.Malgré cela, jamais le cœur du chevalier ne guérit. Meliandre le hantait dans ses moments de solitude. Chaque jour était une souffrance qu'il soulageait avec le travail et les femmes de joie. Et dans ses nuits de solitude, le rhum était son ami et son confident. Il avais développé la phobie de dormir. Car le visage souriant et ses yeux plein d'amour de la jolie brune lui revenais transformant ses rêves en coup de couteau dans l'âme parfois même il avais la sensation de ses lèvre sur les siennes et se réveiller les larmes au yeux.
Le Traité de Marcure mit fin à la guerre de Valentiz, mais à quel prix ! Le Parlement hurla fort justement à l'humiliation nationale. Mais le seigneur chancelier Auxence rétorqua qu'un Parlement refusant des fonds suffisants pour la guerre ne pouvait guère espérer un autre résultat.
Le combat indirect continua avec l'alliance Lacestees et l'empire qui avaient pris des terres dans l'Est et fondé de véritables forteresses, les pillards ravageant les côtes presque à volonté : brûlant, pillant, violant, asservissant sans pitié. Albatria ne pouvait pas riposter, car l'empire était imprenable. De mauvaise grâce, le Parlement accorda des fonds pour bâtir une demi-douzaine de navires rapides. L'empire en brûla quatre au port pendant qu'on les fourbissait. Rares étaient les vivats quand le roi paraissait en public. Anchise conservait une garde jeune, en sous-effectif, aussi tendue qu'une corde de luth. Il escortait le roi lors de ses parades et de ses visites royales.
Plus tristement, l'immonde marquis de Krestra, tapi dans sa toile, complotait encore et toujours contre Auxence, toujours prêt à exploiter la moindre erreur, sans jamais en commettre lui-même. Le combat était inégal, car un chancelier doit agir, tandis qu'un secrétaire n'est qu'une ombre du roi et ne constitue que rarement une cible. Il y eut quand même quelques victoires. Notamment à la mort de grande inquisitrice, pour la succession de laquelle le roi accepta le candidat d'Auxence et non celui de Hubert. Il y eut même des triomphes. Il y eut autant de tragédies. La reine mourut et pendant une demi-année, ce fut Auxence qui géra le royaume, jusqu'à ce que le roi reprenne ses esprits. Rien de ce que dirent les Sœurs Silencieuses ne put le convaincre que sa femme était morte sans l'intervention d'un conjurateur antagoniste. Cette obsession mena ensuite au Grand-Œuvre du roi, et donc à la chute du chancelier.
La mémorable réunion du Conseil au cours de laquelle fut dévoilé le Grand-Œuvre eut lieu à Vaillac, par un jour morne de début d'hiver. La neige battait les fenêtres. Les chevilles d'Emeraude, fatiguées, ne le soutenaient pas plus de quelques heures par jour. Quelques années plus tôt, le secrétaire Hubert avait introduit une chaise d'État dans la chambre du Conseil, et le roi s'en servait à présent de façon habituelle. Malgré leur âge souvent avancé et les dizaines de sièges vides dans la salle, ses ministres restaient debout. Le Conseil privé était un étrange mélange de nobles héréditaires aux titres ronflants - le haut amiral, le comte maréchal, le haut connétable, le second assistant au maître des forêts - et de gens du peuple efficaces qui faisaient le vrai travail. Ils avaient entre trente et quatre-vingts ans et tous, à l'exception du noble Auxence, étaient terrifiés par le roi.
Le marquis de Krestra, tout de noir vêtu, se tenait à un pupitre, dans l'ombre, prenant officiellement des notes, mais fixant surtout chaque intervenant de son regard mort et sensible aux mensonges. La réunion se passait mal. Les négociations pour le mariage du roi à la princesse Miriam de Blanchere duraient depuis des mois, toujours plus complexes, jusqu'à ce que le projet de contrat inclue à présent des clauses sur l'exportation de bois de construction et les droits de pêche.
Auxence était partisan d'une réponse conciliante, sans heurts. Personne n'y voyant à redire, le roi s'y opposa. Les débats firent rage jusqu'à ce qu'il ait gain de cause, et le chancelier reçut l'instruction d'envoyer une réponse très dure. Pour le chevalier, en observateur près de la porte, il était évident que le roi ne s'était opposé au chancelier que pour voir s'il défendrait sa position.
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Epeistes : Les Chevaliers de Seiros
FantasíaŒuvre que je dédicace à une personne cher. Helas la vie me l'as retirer un triste mois de décembre. Comme quoi le destin ne nous laisse pas forcement libre arbitre. Pour elle voici, les épéistes de Seiros, des combattants légendaires, aux aptit...