11: Le point

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Quelques jours après la grande réception, ce fut un Linfent surexcité qui arriva à la cour, assermenté au chancelier Lambert de la maison Noffra. Puis Anchise apprit que deux élèves avaient été recrutés pour servir un grand sorcier de l’académie du nom de Jorax. Ainsi le jeune homme recevait les informations vagues mais fiables du château de Seiros.

Même si certains secrets lui étaient toujours cachés. Mais le mystère fut Haguen, un des étudiants les plus prometteurs, qui avait été recruté par un certain Janus. Même les plus assidues recherches ne donnèrent aucune information sur le personnage. Et ainsi, dès le lendemain, le mystérieux seigneur et le jeune chevalier avaient tout simplement disparu. Bien sûr, certaines rumeurs voulaient qu’ils soient partis pour des aventures sur des terres lointaines, certains parlaient de chasse au trésor gardé par un dragon, d’autres parlaient de mission secrète politique, mais concrètement nul ne savait rien.
Auxence lui-même pourtant commandant de la garde royale jurait ne rien savoir. Mais après tout, dit-il à son ami, le destin des épéistes est toujours mystérieux et incertain. Cela était-il rassurant ? songea le jeune chevalier.

Puis, dans la foulée, le roi confirma une autre grande nouvelle. La reine était enceinte. Le royaume aurait un héritier ou une héritière. 

Ainsi les jours, les semaines et les mois s’écoulèrent. Anchise s’était adapté à sa double vie à la cour. Le jour, il suivait le vicomte dans des dîners, des réceptions, des bals et ainsi de suite. Le plus pénible était les journées où il devait attendre debout sans rien faire pendant que Monte Pierres s’acquittait de ses devoirs officiels. Ce qui signifiait des heures de paperasse et d’ennui mortel.

Et après cela, le nobliau s’occupait d’un labeur non officiel. Car il entretenait un petit commerce personnel florissant dans le dos de la Couronne. Tout était réglé de façon clandestine. Les lettres étaient brûlées après les avoir lues. Et quand il devait avoir des entrevues physiques, il demandait au chevalier de Seiros de se tenir au fond de la pièce pour qu’il n’entende pas les messes basses. L’épéiste comprit très vite que contre quelques pots-de-vin, certains médicaments et denrées disparaissaient des dispensaires à destination des soldats et marins en mission. C’était écœurant. Mais Anchise ne pouvait rien y faire, le serment d’âme l’empêchait de mettre Monte Pierres en danger, quel que soit celui-ci et par ce fait, de le dénoncer.

Heureusement, la nuit il était libre et pouvait vivre pour lui. Un garde le relevait, alors il rejoignait la taverne secrète. Là, il buvait, riait et combattait. Cela lui permettait d’évacuer le surplus d’énergie et de frustration qu’il accumulait pendant la journée. Il croisait souvent le fer avec Auxence, espérant le surpasser un jour, mais le commandant n’avait pas marqué les esprits du château de Seiros pour rien, il était un génie du combat. Fils d’une branche secondaire d’une famille des plus anciennes et des plus nobles du continent de Terralia, son père l’avait offert au château alors qu’il n’avait que quatre ans. Étant le troisième fils, il ne pouvait espérer meilleur avenir. Il croisait régulièrement le roi qui le saluait par son nom et prenait plaisir à lui parler, mais ne voulait plus faire de passe d’armes avec lui, tenant à garder le peu de fierté guerrière qui lui restait intacte.

Anchise se prenait d’amitié pour le monarque au fil du temps et se disait parfois qu’il serait bien doux d’être assermenté par cet homme.

Mais le destin, par ses caprices, en avait décidé autrement. Quelles que soient ses qualités, le jeune homme se savait condamné à servir le vicomte pour le restant de ses jours. Dans ses moments de mélancolie, il s’allongeait dans l’herbe et regardait les étoiles. 
Jamais il ne connaîtrait l’aventure, le frisson de la peur, les joies de la renommée. Oui, la destinée d’un homme était capricieuse. Et comme chacun sait, hélas, nul homme ne peut aller à son encontre. « L’avenir funeste d’un oiseau en cage. » soufflait-il alors.

Mais si les étoiles brillantes du ciel avaient pu lui répondre, elles lui auraient dit de chasser ses bien tristes pensées, car à l’heure actuelle, il ignorait à quel point il se trompait…

Epeistes : Les Chevaliers de SeirosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant