Trois jours après la Longue nuit, la valise diplomatique qui transportait les affaires courantes entre le roi au palais de Borgia et les scribes du Trésor privé d’Albatria produisit un mandat affectant un nouveau garde du corps au seigneur Saga de Wingmire — un courrier type portant le sceau et la signature du roi, et le nom du chancelier inscrit de sa main. Le mandat fut promptement transmis à Anchise, qui l’examina pendant une heure. Pourquoi le roi l’avait-il envoyé ? Mais surtout, pourquoi ne lui était-il pas arrivé directement ? Un émissaire lui avait déjà apporté les documents destinés en propre à la Chancellerie. Peut-être une simple erreur. La maladie d’Emeraude ne l’avait pas encore privé de ses moyens. Mais une erreur était possible. Une demande au Trésor privé lui apprit que c’était la seule affectation d’un chevalier de Seiros qu’il avait reçue. Les autres documents de routine traités par le roi ne montraient aucun signe de dérangement. Anchise finit par rapporter cette énigme chez lui, puis en conclut que le roi sentait la fin venir et que c’était sans doute son cadeau d’adieu.
Le lendemain matin, il mit le cap sur le château de Seiros. Il ne s’arrêta pas au palais pour avoir une escorte — en partie parce que cela lui aurait fait faire un détour — et en partie parce qu’il n’avait pas vraiment pas de voir qui que ce soit, de plus, il ne voulait pas que la garde soit au courant du mandat. Il alla seul, encore assez confiant en son bras pour affronter un éventuel péril de voyage. Et puis, le commandant en second Samus était encore mécontent de ce qu’avait subi sa dernière escorte.
À midi, il arriva au château, presque décidé à faire demi-tour. Mais un entêtement profond le faisait continuer. Après tout, il pouvait rendre visite à ses compagnons de l’Ordre sans jamais mentionner le mandat. Mais au final, il décida d’accepter ce cadeau. Quelles que soient les raisons du roi, il restait son suzerain. Anchise ne pouvait pas manquer maintenant à sa vie d’obéissance. Mais c’était un sale coup à jouer à un jeune. Le grand-maître accueillit le chancelier avec enthousiasme, lui proposant une boisson chaude pour repousser le froid hivernal. Il se demandait certainement pourquoi on assignait une garde rapprochée à Anchise maintenant, après tant d’années passées à son poste, mais n’en montra rien. Ils s’assirent de part et d’autre de l’âtre dans sa chambre privée.
— Qui est sélectionné ?
— Un dénommé Nolaig, de la maison des Cerfs d’or. Un adepte de la lame courbe. Un Elfe aux yeux d’opale. Il brille par son talent. Il brisera quelques cœurs, c’est certain, mais cela fait partie de la légende, soupira le grand-maître avec nostalgie. C’est le neveu de votre vieil ami Nuronelle.
— Sait-il monter ?
— Comme personne. Mais rien à voir avec Percée, Okuri, Fukujin ou Rincevent, bien sûr, reprit le grand-maître sur un ton étrange. Magnifiques cavaliers, ces trois-là. D’ailleurs, félicitez Okuri, première femme shlaigre à atteindre le rang de général. Je suis fier.
— On m’a dit que vous aviez un excédent de demandes en ce moment ?
— Officiellement, douze. En réalité, un peu plus. Ç’aurait pu être pire, mais nous avions dû accélérer les admissions il y a environ cinq ans, quand la santé du roi commença à…, euh, nous préoccuper. Pourquoi souriez-vous ?
— Ce n’était pas un sourire, Grand-Maître. Les chanceliers ne sourient jamais. Ce que vous avez vu, c’était une approbation quasi royale. Je me disais que Sa Majesté est bien servie — des centaines, voire des milliers de gens qui font de leur mieux pour servir ses intérêts.
— Les siens ? Ceux de la Couronne. Quand ils pensent que nous n’écoutons pas, les seniors se surnomment les « Hommes du prince ».
— Ceci n’est pas un froncement de sourcils, précisa Anchise. C’est une mise en garde quasi royale contre toute pensée sur la mort du roi.
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Epeistes : Les Chevaliers de Seiros
FantasíaŒuvre que je dédicace à une personne cher. Helas la vie me l'as retirer un triste mois de décembre. Comme quoi le destin ne nous laisse pas forcement libre arbitre. Pour elle voici, les épéistes de Seiros, des combattants légendaires, aux aptit...