31- Le nouveau commandant

36 21 1
                                    

Anchise fut de corvée d’annoncer la nouvelle à son ami, ce qu’il fit dès son retour au quartier général amélioré de la garde. Décidément, son retour en héros ne s’était pas passé comme prévu.  Il avait imaginé mille scénarios, mais vraiment pas celui-ci.

Chiron apprit son renvoi dans son propre bureau.

— Oh, sois béni ! Sois béni ! dit-il, les yeux fermés de ravissement.

— Vraiment ? s’étonna le chevalier.

— Je te baiserai les pieds si tu promets de ne pas me marcher sur la langue. Par Eriath, je le ferai même sans cela !

— Relève-toi, idiot !

L’ancien commandant ne paraissait effectivement pas feindre son plaisir. Il se lança sur une chaise et cria :

— Donzelle ! Donzelle ! Une bouteille de rhum pour une fête !

— Il me faudra ton aide, dit Anchise avec tristesse.
Le jeune homme souriant et plein de joie et d’espoir qui était arrivé au château pour la première fois était mort. C’était un homme d’âge mûr résigné et ne croyant plus guère en rien désormais.

— Tout ce que tu voudras, mon Frère, mais je te connais… Tu auras vite fait de prendre les commandes.

— Que comptes-tu faire de ton avenir ? demanda le chevalier. Veux-tu que je te trouve un poste ?

— Non, par les flammes des enfers ! Je pars d’ici. Je veux aller pourrir dans un endroit appelé Escalier, ouvrir mon auberge. Un seigneur du coin a une charmante fille de vingt printemps, son père m’aime beaucoup en tant qu’homme, mais ne veut pas lier sa seule enfant à la cour, voilà tout.

Torturé par la pensée de Meliandre, Anchise qu’il ne pourrait plus jamais voir ou serrer dans ses bras, Anchise sourit néanmoins et le félicita. Les temps changeaient bien si le plus célèbre noceur de la garde se rangeait auprès d’une seule femme.

— Que devient Nuronelle ?

— Il est reparti pour Ephleurei. Nous n’avons plus guère de nouvelles. Les choses, comme tu vois, ont bien changé, mon Frère.

— Certes, je dois reconnaître que j’aime peu le changement. Les choses étaient mieux avant.

Chiron sourit tristement :

— Cela ne te dérangera pas, dit-il, si je vais la prévenir ma future dès maintenant ?

Le chevalier lui fit signe de la tête.

En sortant, il faillit renverser la fille apportant la bouteille de rhum. Anchise la renvoya à la cave et se mit à explorer les quartiers de la garde. La première porte qu’il ouvrit lui révéla une assemblée de sept gardes qui tuaient péniblement l’ennui en buvant et en jouant aux dés. Il leur apprit qu’il les commanderait dorénavant.

— Le commandant Chiron a donc été remercié, dit le premier. Soyez le bienvenu. Je suppose que cela annonce du changement ?

— C’est possible, concéda le chevalier.

Les jours qui suivirent permirent à Anchise de prendre ses marques. Il travaillait jour et nuit. Pas qu’il soit dévoué à son poste à la folie. Mais les nuits, il rêvait de Meliandre ; il eut même une fois la sensation du toucher de ses lèvres. Cela le réveillait et le brisait. Il noya ses démons dans le rhum et le travail.
Mais nos démons apprennent vite à nager.

   *********************************

Cela faisait une semaine qu’il était rentré quand un beau soir, le commandant eut droit à un souper privé dans la suite opulente du chancelier. L’auguste personnage lui fit l’honneur de lui restituer sa dague.

Epeistes : Les Chevaliers de SeirosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant