35- Un roi mourant

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Voyant arriver le chevalier Samus de son pas nerveux, Anchise se leva. Il honorait ainsi ce frère Lame. De plus, le commandant en second était toujours de bonne compagnie. C’était un homme fin, blond, qui donnait une impression de grande maladresse. Comme si ses membres se déplaçaient dans des directions opposées. Mais c’était pure illusion, comme il l’avait prouvé en remportant deux fois le tournoi des sept royaumes. Et son visage semblait toujours refléter une tristesse infinie. Pourtant, son sens de l’humour était digne de celui de Chiron dont plus personne ne se souvenait, bien sûr.

— Asseyez-vous, mon Frère.

— Comment puis-je vous servir, Monseigneur ?

Samus se laissa tomber sur sa chaise comme par accident. Il regardait le chancelier d’un œil morose.

— De plusieurs façons. D’abord, je cherche un endroit appelé Teleri. Personne ne semble savoir où il se trouve. Mais vous avez des gardes venus de toutes parts, alors si vous voulez bien poser la…

— Dans l’Ouest, répondit Samus d’un air sinistre. Je suis né dans cette région.

Les Shlaigres ne discutaient jamais de leur passé, mais il avait une pointe d’ouest dans son accent.

— Ah, je vous remercie.

Le chancelier venait de trouver son gouverneur pour Teleri, et Samus devait savoir exactement pourquoi on lui avait posé cette question absurde.

— La deuxième chose sera un peu plus dure. Je dois rendre visite au roi. Pensez-vous que vous pourriez trouver deux ou trois âmes patientes qui pourraient supporter de faire marcher leur cheval aux côtés de mon palefroi ?

Samus gémit d’incrédulité.

— Vous parlez de casse-cous suicidaires qui pourraient suivre votre rythme ? Je dois pouvoir trouver quelques êtres perturbés que ce défi amuserait. Toute la garde, à peu près, ajouta-t-il en s’enfonçant dans une mélancolie plus grande encore.

Cinq jours avant la Longue nuit, le palais d’Albatria aurait dû crouler sous les décorations et trembler de joie. Cette année, c’était un gouffre d’ennui, et les épéistes étaient les moins heureux de tous.

— Sa Majesté vous manque. Comme à nous tous. Lança Anchise un sourire en coin.

— Les souris ne dansent pas quand le chat dort, Monseigneur. Elles meurent d’ennui. Si seulement Sieur  Dragon  qui est le capitaine en second assurant la garde rapprochés du roi , nous laissait remplacer ses hommes. Mais même cela, c’est fini. Cela fatiguait les chevaux pour rien, d’après lui. Il ne pense pas à l’usure des hommes.

— Accepteriez-vous un avis ? Soupira le chancelier.

— Avec joie, Monseigneur, s’il venait de vous.

— Votre livrée est démodée et négligée. Aucune raison de me le cacher, puisque c’est moi qui l’ai conçue. Mais c’était il y a plusieurs années. Quelque chose de plus moderne remonterait le moral des hommes.

— Vous pensez que Sa Majesté approuverait ? demanda Samus d’un air particulièrement lugubre. Ces jours-ci, il n’aime même pas changer de chaussettes…

— Non, sans doute pas, mais… Peu importe. Trouvez moi des hommes et ensuite je vous confie la fabrique de nouveaux uniformes pour la garde.

— Oui, bien, Monseigneur, je vous trouverai avec joie une escorte. Quand ?

— Une heure avant l’aube. Et nous serons de retour avant les festivités.

— Vous ne rateriez sans doute pas grand-chose, de toute façon, soupira le garde. Autre chose ?

Epeistes : Les Chevaliers de SeirosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant