Étonnamment, le vicomte avait une femme qu’il n’avait pas cru bon de mentionner à son garde du corps. Elle était jeune, encore plus que Monte Pierres, à peine une jeune femme de dix-sept ans. Elle aussi lui avait été offerte par le roi. D’une grande beauté et des manières irréprochables. Par contre, sa famille pratiquant la consanguinité, l’épouse était malheureusement dénuée d’intelligence et toute pensée raisonnée lui était impossible. Ses seuls centres d’intérêt étaient la broderie et sa toilette. Le vicomte semblait l’aimer sincèrement. Ce qui frappa l’épéiste, qui avait aperçu par moments des marques d’humanité émaner du noble. Peut-être avait-il meilleur fond qu’il ne le laissait entendre.
En l’absence du jeune homme, elle avait été relogée dans une vaste suite de l’aile principale. Preuve encore une fois des faveurs du roi. La journée fut bien remplie et passa plutôt vite.
Ainsi, Anchise passa sa première nuit au château. Et par la même occasion, les effets du rituel des âmes se firent ressentir. Car à sa grande surprise, il ne dormit pas et resta éveillé, aux aguets. Ce fut alors qu’il comprit que si son ressenti sur Monte Pierres n’avait pas changé, il était tout de même incapable de le laisser sans surveillance. Il était, si l’on pouvait dire, prisonnier de lui-même. Il choisit donc un livre sur la grande étagère et en commença la lecture.
La nuit était déjà bien avancée quand on frappa à la porte. Il l’entrebâilla, l’arme au poing. Sur le pas attendaient deux hommes. Tous deux étaient connus d’Anchise. Le premier était Chiron, parti du château de Seiros depuis un an, le second était l’ancien délégué des aigles de rubis qui répondait au nom de Auxence, et parti, lui, il y avait de cela des années. Ils étaient physiquement typiques de la guilde, grands, larges d’épaules et au corps athlétique.
— Frère Anchise, vous connaissez Auxence de la classe des Aigles. Il était délégué et se trouve être maintenant commandant de la garde royale.
— Oui, même si le commandant ne doit pas se souvenir de moi, car à l’époque je n’étais qu’un gamin.
Le jeune épéiste les invita à entrer et s’assoir. Puis il leur servit un verre de liqueur.
— C’est une bouteille qui m’a été offerte par le vicomte, dit-il, une liqueur de prune vendue par des marchands nains. Il m’en a garanti la qualité. Sinon, en plus doux j’ai un vin des elfes du Sud.
— Décidément, ce Tymheo de Monte Pierres est un homme de goût, lança Auxence en saisissant le verre de vin avec un sourire mystérieux.
Anchise fut surpris d’entendre le prénom du nobliau pour la première fois. Car malgré le temps passé ensemble, jamais il n’avait été mentionné.
— Vous devez avoir des questions, je suppose, avança Chiron.
— Oui, certes. Une en particulier, le seigneur Monte Pierres a-t-il des raisons d’avoir un protecteur, une raison que j’ignore ?
— Pas que je sache, admit Auxence. Mais le roi ne refuse rien à la sœur du vicomte. Il lui a d’ailleurs offert des terres et le titre de duchesse. Cette femme semble avoir un grand pouvoir sur lui. Mais mon ami, vous êtes bien plus chanceux que nous. Nous protégeons le roi, mais nous sommes une centaine de chevaliers de Seiros à son service. L’ennui nous rend fous, ou idiots pour certains.
Ainsi bavardèrent-ils un moment, puis Auxence se leva avec un sourire.
— Allez, en route ! Le roi vous fait mander, lança-t-il.
— Quoi ? s’étouffa Anchise.
— Êtes-vous devenu sourd ? Le roi désire vous voir, viendrez-vous ?
— Oui, bien sûr, mais dois-je faire une toilette ? Suis-je en tenue adéquate ?
— Vous êtes très bien ainsi et la nuit est déjà bien avancée, ne le faisons pas attendre nous avons déjà que trop traîner.
Ils prirent la partirent ensemble de la chambre descendirent un grand escalier en marbre. Le palais était silencieux, seul le bruit de bottes des marcheurs sur la pierre. Les bougies mourantes n’éclairaient plus qu’à peine.
— Je me sens loyal au roi, mais mon serment me lie au vicomte. Qui dois-je servir ?
— Le serment lie les âmes, que vous le vouliez ou non, si les deux entrent en conflit, vous vous rangerez du côté de Monte Pierres.
— Dites-moi, pourquoi donner un épéiste à un homme si insignifiant et surtout sans ennemis ? répondit Anchise.
— J’ai déjà répondu à cette question.
— Alors redites-le-moi.
— Eh bien, mon garçon, remettez-vous les choix du roi en question ?
— Commandant Auxence, j’ai plaisir à l’idée de penser que le roi n’est pas un idiot.
Auxence avait ouvert une petite porte qui donnait sur un escalier étroit. Il la referma derrière eux, puis agrippa le bras de son compagnon et lui lança un regard glacial.
— Que voulez-vous dire ? questionna froidement le commandant.
— En toute franchise, je pense que si le roi doute de la loyauté d’un homme, peut-être pas dans l’immédiat, mais à l’avenir, il serait très difficile de conspirer avec un épéiste de Seiros à proximité. N’est-ce pas ?
— Voyons, Sieur Anchise, vous ne soupçonnez pas ce petit nobliau de traîtresses ambitions ? le taquina le commandant.
— Non, bien sûr que non. Mais Sa Majesté ne peut pas se permettre d’attribuer des épéistes qu’aux gens dont elle doute. Elle doit en semer d’autres stratégiquement pour semer le doute. Voyez-vous ce que j’essaie de dire ?
Le regard d’Auxence se fit plus long. Puis il rit.
— Allons, Frère Anchise, j’espère que vous n’allez pas répandre d’idées aussi farfelues.
— Non, Commandant, je n’en parlerai plus.
Par les dieux pensa le jeune épéiste, tout cela signifiait-il qu’il avait raison ? Une chose était sûre, quelque chose se tramait au palais.
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Epeistes : Les Chevaliers de Seiros
FantasíaŒuvre que je dédicace à une personne cher. Helas la vie me l'as retirer un triste mois de décembre. Comme quoi le destin ne nous laisse pas forcement libre arbitre. Pour elle voici, les épéistes de Seiros, des combattants légendaires, aux aptit...