𝐍𝐎𝐒 𝐒𝐔𝐁𝐋𝐈𝐌𝐄𝐒 𝐂𝐎𝐍𝐓𝐑𝐀𝐃𝐈𝐂𝐓𝐈𝐎𝐍𝐒 | Soobin | TXT

FIN - Il pleut sur la ville

Il pleut sur la ville

- SOOBIN -

Je suis persuadé qu'il est plus que coutume de penser que le monde cesse de tourner lorsqu'un malheur s'abat sur nous. Parce que les étoiles de notre être se sont éteintes de façon brutale et douloureuse, nous sommes dans l'incapacité de concevoir que les choses puissent poursuivre leur cours comme si de rien n'était. 

J'avais besoin de sentir la vie battre autour de moi pour réaliser que tout continuait, quand bien même mon microcosme menaçait de s'effondrer. 

Alors je prenais le temps d'écouter ces voix qui se superposaient, ces rires qui se succédaient, ces verres qui tintaient, ces téléphones qui sonnaient... Tous ces sons synonymes de vie en société s'amoncelaient pour donner forme à un maelstrom au beau milieu duquel je me sentais abandonné. Dehors, dans les rues de Séoul, se déroulait un véritable bal des parapluies. Parmi ces derniers, certains juraient avec l'air grisâtre en raison de leur couleur éclatante. Des passants marchaient avec vitesse, tandis que d'autres, beaucoup plus rares, semblaient prendre le temps d'apprécier le paysage pluvieux. 

Sur les fenêtres, des gouttes d'eau s'adonnaient à de véritables courses olympiques. Un peu plus loin, à même le sol, des flaques devaient supporter sans broncher les sauts des enfants insouciants et les jurons des plus grands qui ne regardaient pas assez bien où est-ce qu'ils marchaient. 

Je me mis à renifler. 

 « Il pleure dans mon cœur

Comme il pleut sur la ville, 

Quelle est cette langueur 

Qui pénètre mon coeur ? » 

Verlaine, Romances sans parole.  

— Et voilà pour vous jeune homme, un cappuccino et un gâteau chocolat-vanille. Bon appétit. 

— Merci beaucoup. 

J'observai ce qui venait de m'être servi. Je n'avais pas d'appétit. 

Je n'avais pas faim, mais dès qu'elle m'avait quitté j'avais pensé qu'il fallait absolument que je mange un gâteau au chocolat. Pourquoi ? Je ne le savais pas. 

Alors c'était vrai ? 

Je l'avais perdue ? 

Je me mis de nouveau à observer la pluie. De simples gouttes d'eau échouées du ciel avaient su la rendre si heureuse ce jour-là. Son sourire dansait encore dans mes souvenirs. 

 « Ô bruit doux de la pluie

Par terre et sur les toits ! 

Pour un cœur qui s'ennuie

Ô le chant de la pluie ! » 

Verlaine, Romances sans parole. 

Et alors que je mastiquais, la question surgit dans mon esprit sans crier gare. Elle me bouscula si fort, que mes sourcils se froncèrent. Mes réflexions ne valseraient plus avec les siennes ?  Mes larmes glissèrent le long de mes joues, suivant ainsi le mouvement instauré par ces gouttes d'eau qui s'échappaient de ma chevelure mouillée pour se traîner le long de ma nuque et imprégner le col de ma chemise. 

Était-ce sa foi qui l'incitait à ne plus vouloir de moi ? 

Je déglutis, non sans difficulté. Sa foi la différenciait tellement de ma personne, et pourtant, c'était ce que j'admirais le plus en elle. Avais-je été trahi par le principal objet de mes éloges ? 

Je ne savais pas, et je ne voulais déjà plus savoir. 

A cet instant, je voulais simplement retenir qu'il n'y avait pas que des vieux, des moines, ou des ermites qui croyaient en Dieu. Ceux qui croient en l'existence d'un être suprême sont plus nombreux que ce que je pensais. Ils sont de partout. Ils sont jeunes ou plus âgés. Ce sont des étudiants, des travailleurs ou des retraités. Ils aiment et ils sont aimés. Des étoiles peuvent habiter leurs yeux, des rêves peuvent danser dans leur esprit tandis que des douleurs peuvent blesser leur cœur. 

Je ne croyais pas au Destin, mais elle, si. 

Alors, au beau milieu de ce café plongé dans un brouhaha ineffable, je fis une chose des plus inattendues. Je me mis à prier. Prier, pour la retrouver. Prier, pour être le point éternel de sa Destinée. 

Avais-je été écouté ? 

Je ne savais pas. 

Dehors, la pluie s'était tue. 

"Si je fais partie de ta Légende, tu reviendras un jour", Paulo Coelho, L'Alchimiste.