Chapitre 7 - La pleine lune

111 8 17
                                    

19 septembre 1994, jour de pleine lune

Remus n'était pas en forme, c'était un fait. La fatigue s'était abattue sur lui trois jours plus tôt et ne l'avait pas quitté depuis. Il avait pris des congés à la librairie, prétendant être malade (ce qui était presque vrai) et avait passé le plus clair de son temps à traîner dans son studio et à dormir. La potion Tue-Loup lui manquait atrocement. Severus lui manquait atrocement - il n'aurait jamais pu admettre cela à voix haute. Ce serait sa quatrième pleine lune au ministère depuis son inscription au registre, mais ce serait sa première pleine lune en "mission" pour Dumbledore. En réalité, Remus voyait mal comment il pourrait apprendre quoi que ce soit dans cette situation. Ce n'était pas comme si les loups-garous croisaient beaucoup de hauts fonctionnaires du ministère en s'y rendant pour la pleine lune. Bien généralement, ils étaient accueillis au comptoir, puis rapidement conduits aux cellules du Département de contrôle et de régulation des créatures magiques, histoire de ne pas croiser trop de monde. À la limite, Remus pouvait apprendre des choses de la part des autres loups-garous, avec lesquels il passait beaucoup de temps à attendre, mais cela s'arrêtait là. Un médicomage leur faisait une visite le lendemain matin, puis ils étaient conduits à la sortie, et on leur disait au mois prochain. Il avait promis à Dumbledore de laisser traîner une oreille, et il le ferait, mais il n'était pas sûr que ce soit très concluant.

Vers quinze heures, Remus se traîna hors de son lit et s'habilla. Il glissa un livre dans sa sacoche, ainsi que sa baguette magique (qui était présentement reléguée dans un tiroir). Il n'avait pas besoin de plus. Les cellules ne laissaient malheureusement pas beaucoup de place aux distractions. En cet instant, il était bien content de vivre à Londres ; il n'aurait sans doute pas été en mesure de transplaner dans son état. Il prit le métro jusqu'au quartier de Westminster au sein duquel il rejoignit la cabine téléphonique rouge cerise qui faisait office d'entrée des visiteurs. Il n'y était venu que trois fois mais tout lui était devenu familier : le vieux cadran téléphonique sur lequel il fallait presser les boutons 6-2-4-4-2, le grincement de métal accompagné de la disparition du sol londonien à travers la fenêtre de la cabine, le tintement de métal du badge qui tombait dans le petit réceptacle à pièces sous le téléphone et, enfin, la voix métallique qui résonna dans la cabine lorsqu'il fut arrivé au niveau de l'atrium. Remus prit le badge et l'épingla à sa poitrine. Chaque fois, la même chose y était inscrite : Remus J. Lupin, Registre des loups-garous. Cela signifiait, à peu de choses près : Ne pas parler, ne pas approcher, tout particulièrement à l'approche de minuit. C'était atrocement humiliant, pourtant Remus redressa les épaules et entra dans l'atrium d'un pas raide et décidé. Il était nécessaire d'endurer cela, il n'avait pas le choix. Il se présenta au comptoir d'accueil et dut faire la queue derrière deux hommes qu'il avait déjà croisés au cours des précédentes pleines lunes. Les loups-garous inscrits au registre étaient étonnamment nombreux, même si chacun savait que le double d'entre eux vivaient illégalement au dehors. Il tendit sa baguette à l'employé du ministère chargé de l'enregistrer, et ce dernier la glissa dans une large tiroir avant de lui indiquer du menton l'ascenseur.

- Vous connaissez le chemin, dit-il.

Remus hocha la tête. Il se rendit au niveau 4, sur lequel les mots "créatures magiques" s'étalaient en lettres argentées, douloureux et ironiques. Sans doute Dumbledore aurait-il attendu de lui qu'il s'attarde dans l'atrium, tendant l'oreille et ouvrant l'œil, mais les mots "Registre des loups-garous" qui s'étalaient sur sa poitrine le forçaient à filer droit. Il ne pouvait passer inaperçu, surtout en ce jour de pleine lune où l'atmosphère semblait un peu tendue, les employés du ministère scrutant les badges des visiteurs avec une certaine raideur. L'atmosphère feutrée du Département de contrôle et de régulation des créatures magiques contrastait avec les cellules froides et grises que Remus savait se trouver au bout du couloir, dans l'autre partie du bâtiment. Lorsqu'il passa devant les bureaux aux portes entrouvertes, Remus s'efforça d'écouter ce qui s'y disait, mais il n'entendit rien d'intéressant. Il marcha d'un pas raide jusqu'au bout du couloir et pénétra dans l'espace où se trouvaient les cellules. Il salua d'un signe de tête l'employée qui se trouvait assise à l'entrée, derrière une petite table en bois. Une longue liste s'étalait devant elle.

Les temps perdusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant