Chapitre 7

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Nous sommes à moins de deux heures de mon jugement.

Assise aux pieds de la tente trouée, j'observe d'un œil inquiet les va-et-vient des citoyens impatients. Les plus nobles des guerriers sont déjà réunis en ligne devant la bâtisse du chef Sven, qui est encore à l'intérieur. Je balaie du regard l'ensemble des visages sans reconnaître Saevald. Le doute me submerge et je baisse le visage pour détourner mon attention sur les chaînes qui relient mes poignets. Bien que mon statut au sein du village soit encore indéterminé, j'ai tout de même obtenu une protection exclusive, compte tenu de la menace qui plane au-dessus de ma tête. Après la vente illégale de mes services par la propriétaire d'une maison de luxure, il semblerait que l'acheteur ait cédé et m'ait placé sous surveillance renforcée. Je me suis fait trop d'ennemis dans ce village, à tel point que je pourrais être assassinée avant même que mon jugement ne soit rendu. L'ironie du sort a toutefois fait en sortes que ma position d'esclave « privilégiée » m'attire davantage de jalousie de la part de mes semblables, au lieu de calmer les tensions.

« Lève-toi, c'est l'heure. »

Une goutte de sueur coule le long de ma nuque sans que je discerne si c'est le soleil ou la peur qui en est la cause. L'air devient subitement étouffant à mesure que j'avance vers la place centrale où avait eu lieu la vente aux enchères. Le cliquetis de mes chaînes brise le silence dans un rythme régulier et je baisse la tête en traversant la foule de citoyens. L'homme qui m'accompagne me plante face à Sven et je frissonne. Je dévie le regard pour ne pas avoir à affronter son air strict et intimidant. Complètement tétanisée, je reste immobile devant le chef du village. La foule murmure avec indignation à l'idée que je refuse la révérence au plus puissant et influent des hommes. Quelqu'un frappe sèchement mon genou et fait ainsi plier mes jambes de force. Je tombe à genoux, le corps couvert de poussière. Le vent emmêle les mèches rebelles de mes cheveux sur mes épaules et j'ose enfin relever le regard, les paumes enfoncées dans le sol.

« Tu prétends te nommer Varunn, n'est-ce pas ? »

En guise de réponse, je me contente d'acquiescer silencieusement. Ma gorge est redevenue aussi sèche et pâteuse que la première fois que j'ai aperçu cet homme.

« Tu es jugée en ce jour pour que nous décidions de ton sort. Certains de mes hommes te soupçonnent d'être une espionne ennemie, d'autres souhaitent faire de toi une esclave et très peu des membres du clan te considèrent comme une citoyenne. Pour être honnête, il n'y en a qu'un seul dans ce cas, et se trouve être mon fils. »

Des exclamations s'échappent de la foule et j'aperçois Saevald parmi les jurés, qui baisse la tête. Au moins sera-t-il présent pour assister à ma mort, si tel est le verdict rendu.

« Depuis ton arrivée dans le village, nous avons observé des comportements étranges voire suspects de la part de ceux qui t'ont entourée. Je commencerai par nommer la traîtresse Erika qui a été ton binôme. »

Un frisson me parcourt l'échine et je reste suspendue aux lèvres du chef, n'ayant aucun droit de parole durant la cérémonie de jugement.

« Certains témoins te soupçonnent de l'avoir volontairement empoisonnée. »

Le souverain lève sa main pour inviter le maître des esclaves à s'avancer. Ce dernier jette un regard en ma direction et hausse les sourcils en gonflant sa poitrine :

« C'est exact. Je l'ai vue échanger sa gamelle avec celle de sa voisine juste avant qu'elle soit empoisonnée. »

Les regards se tournent vers moi et j'écarquille les yeux vainement, spectatrice impuissante de mon jugement.

« Comment se porte Erika ?

— Son état est stable, mais la cerise du diable lui provoque des hallucinations et de l'hypothermie. Elle est encore inconsciente pour l'instant. »

VarunnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant