Chapitre 1

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J'ouvre les yeux avec difficultés et tousse plusieurs fois. Je me redresse avec douleur et ma tête tourne durant de longues secondes. Ma langue est râpeuse et ma peau desséchée. Alerté par le bruit, quelqu'un pose sa main sur mon visage et sur la base de mon cou pour me forcer à rester allongée. Affolée et étourdie, je me débats avec force, en vain. Je ne réussis qu'à faire venir davantage de mains autour de moi, pour me maintenir immobile. Je cède alors, épuisée.

Des cris se font entendre au loin sans que je puisse entendre les mots prononcés. Il me semble qu'on appelle quelqu'un. Tout à fait inoffensive, je détends mes muscles douloureux et obéis aux contraintes. Je tourne ma tête pour identifier le lieu. J'essaie de parler, mais ma voix est coupée et la gorge me brûle. Ma bouche est pareille à un désert et je ne peux produire le moindre son. Paniquée, ma respiration s'accélère en même temps que mon cœur et je m'agite sur mon lit de fortune, composé de paille et de feuilles tendres. Où suis-je ?

« Elle est réveillée. »

Je cesse de respirer le temps d'identifier la provenance de cette voix. Une femme se tient debout près de moi, ses longs cheveux rassemblés en tresses serrées. Son grain de voix est rauque et son visage est marqué par le temps. Mon regard suit les lignes hautes de la toile tendue au-dessus de ma tête. D'où je suis et en position allongée, je ne peux pas voir le reste de la tente, et encore moins les visages des femmes présentes en ce lieu, qui semble être une infirmerie.

Soudain, les voix se taisent et la lumière pénètre la tente. Je redresse la tête et dévisage la femme qui a veillé sur moi. Celle-ci s'incline légèrement à la venue d'un grand homme blond. Il est habillé en tenue de chasse et possède une épée rangée à sa ceinture. Une bise légère me fait frissonner et je prends conscience que je suis nue, allongée sur ces feuilles.

« Comment se porte-t-elle ?

— Son état est stable. Le sable a déshydraté sa peau et sa trachée, mais aucune blessure grave n'est remarquée.

— Bien. Nourrissez-la et habillez-la, qu'elle soit prête à recevoir Sven. »

Je cligne des yeux sans oser diriger mon regard vers eux. Mes joues se teintent de rose alors que cet homme se tient devant moi, sans pour autant me prêter la moindre attention. Ils parlent de mon état comme si j'étais absente. Je perds le fil de leur discussion, jusqu'à ce que le guerrier déclare finalement :

« Je discuterai avec mon père de ce qu'il convient de faire. »

Alors, l'homme repart comme il était entré, et les discussions reprennent à voix basse. La femme près de moi se retourne et, sans m'adresser le moindre mot, s'en va chercher des habits pour me vêtir. Toujours silencieuse, je tente de bouger mes doigts, orteils et chevilles, pour m'assurer de ma capacité à me mouvoir correctement. Puis une autre femme m'apporte un bol de terre cuite, rempli d'une soupe violacée. J'observe cette mixture sans aucun appétit, mais me force à l'avaler sous le regard méprisant de celle qui m'a nourrie. La boisson réchauffe mon estomac et apaise le feu de ma bouche sèche. Je saisis goulûment le récipient contenant de l'eau qui m'est tendu, et le bois d'une traite. Je remercie cette femme d'un hochement de tête. Un son rocailleux s'échappe de ma gorge et je souris à l'idée de retrouver ma voix. J'aperçois au loin l'infirmière qui m'a soignée et suis ses va-et-vient du regard. Elle passe entre les bouts de toile tendus et arrive jusqu'à moi, une robe simple et légère dans les mains. Je constate avec gratitude que le sable a été enlevé de mon corps durant mon sommeil. Une toilette m'a été faite lors de mon inconscience. Je revêts ma tunique souple et jette un regard vers les tenues riches et variées des femmes devant moi. On m'aide à me lever et je suis emmenée à l'extérieur de la tente. Le soleil radieux a remplacé les nuages sombres, et un petit village s'étend devant mes yeux. Je marche au milieu de femmes et hommes aux cheveux longs, tous vêtus de vêtements colorés aux multiples tissus. Je comprends la signification de ma tunique lorsque je passe devant des hommes habillés comme moi, leurs pieds nus foulant la terre du sol, prisonniers de lourdes chaines. J'observe leurs bras labourer un champ avec précision et mon visage se tourne vers les expressions des habitants en me voyant, ce qui vérifie mon hypothèse. Esclave. Voilà ce que je suis pour eux. Au moins ne suis-je pas morte, ma condition n'est donc pas si désespérée. J'inspire et continue ma marche, entourée de deux infirmières et deux soldats. Le vent fouette mon visage et joue avec mes cheveux longs. Il traverse mes vêtements légers et je rentre ma tête dans mes épaules pour me protéger du froid. On m'emmène jusqu'à une grande bâtisse, faite de pierres et d'argile. Les infirmières s'arrêtent et les soldats me conduisent jusqu'à l'intérieur de la maison, dans un silence pesant. Mes pieds nus touchent le sol humide de la pierre et je frissonne. L'un des hommes se présente, et le guerrier de la tente vient à ma rencontre. Il n'est pas très âgé, mais a déjà la carrure et la prestance d'un meneur de troupes.

VarunnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant