Je n'ai pas beaucoup dormi cette nuit-là. Les paroles de Saevald résonnent toujours en moi au lever du soleil, lorsque quelqu'un frappe à la porte de ma chambre. Une voix féminine prononce mon prénom et je reconnais Héla, qui paraît très ennuyée de devoir me réveiller. J'aperçois ses talons disparaître à travers l'embrasure de la porte et j'en déduis qu'elle est retournée dans le salon. Lentement mais avec une pointe d'excitation, je me lève et revêts une tunique élégante et confortable que Saevald m'a apportée hier. Enfin prête, je sors de ma chambre pour rejoindre le salon dans lequel déjeune paisiblement Saevald. Je le salue d'un hochement de tête et il me sourit poliment :
« Bonjour, Varunn.
— Bonjour Saevald. »
Je décale ma chaise pour m'asseoir en face de lui, consciente que la place à sa droite est réservée à sa frilla. Il partage avec moi un morceau de son repas que j'accepte en saisissant le pain.
« La Völva est arrivée tôt ce matin. Elle a été pressée par mon père mais ne connaît pas encore la raison de sa venue. Je lui ai demandé de passer avant la réunion du conseil afin qu'elle puisse te rencontrer. »
J'échange un regard avec Saevald et croque avec gourmandise dans le pain imbibé de soupe. Peu de temps après, Héla nous rejoint avec un petit plat fumant entre les mains. Elle pose le regard sur moi et s'arrête immédiatement. Le réceptacle de terre cuite se fracasse contre le sol et elle me dévisage de la tête aux pieds avec un air colérique. Je sursaute violemment et me retourne vers elle d'un geste. Au contraire, Saevald pose lentement ses poignets sur la table et repose avec calme sa tranche de pain :
« Héla, voyons. Cette démonstration de colère est ridicule. »
Ces mots, bien que prononcés avec une sérénité exemplaire, n'apaisent pas le moins du monde la femme qui bouillonne intérieurement. Elle serre la mâchoire et se tourne vers le maître de maison avec les sourcils froncés :
« Tu lui as donné ma robe. J'exige qu'elle se déshabille immédiatement. »
Je me redresse sur ma chaise à l'idée de devoir une seconde fois paraître à moitié nue devant Saevald. Ce dernier me regarde rapidement et secoue la tête en signe de refus :
« Tu n'es pas en mesure d'exiger quoi que ce soit, car cette robe n'est pas à toi : c'est un cadeau de mon père. J'ai décidé que Varunn allait porter cette tenue car elle doit assister à une réunion de la plus haute importance. Le sujet est clos. »
Choquée, Héla m'adresse un dernier regard menaçant et retourne dans le couloir pour s'enfermer dans sa chambre – enfin, la chambre de Saevald. Je contemple les restes de soupe mélangée aux débris de terre cuite éparpillés sur le sol sans oser les ramasser. Mes doigts saisissent machinalement les pans de ma robe.
« Laisse, elle nettoiera son erreur une fois calmée. Cela lui fera comprendre qu'il n'y a pas de place pour un comportement enfantin dans cette maison. »
Je souris et me moque de Saevald en souriant bêtement.
« Qu'est-ce qui te fait rire ?
— Tu prétends ne pas comprendre les femmes, pourtant tu as l'air très doué pour les vexer. »
J'adresse au maître de maison un regard espiègle mais il ne le relève pas et se contente de soupirer bruyamment. Son déjeuner fini, Saevald débarrasse la table rapidement en prenant soin de contourner la soupe étalée au sol. Il change de sujet pour briser le court silence :
« Je pense que la Völva ne devrait pas tarder. Je vais aller l'accueillir pour l'amener ici.
— Que me fera-t-elle ? »
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Varunn
AdventureVarunn, jeune femme intrépide et solitaire, se réveille au milieu du désert sans le moindre souvenir de son passé ni de son identité. Perdue et désorientée, elle est recueillie par Saevald, le redoutable chef de l'armée du clan des Jomsvikings. De s...