Chapitre 29

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Armée de mon arc, je traverse le champ près de la forêt et rejoins la cible que j'ai tracée sur un des troncs anciens. Plusieurs jours se sont écoulés et ma solitude devient pesante. Mes vertiges ont cessé et j'ai repris des forces. Mais Héla refuse toujours de me laisser me reposer et me pousse à l'entraînement avec toute la gentillesse dont elle sait faire preuve. Je me retourne rapidement pour observer de loin les autres soldats à la lisière du village. J'inspire lentement et me concentre à nouveau sur ma cible en préparant mon arc. Je ferme les yeux pour calmer ma respiration et faire le vide dans mon esprit. Je décoche la flèche avec précision et vivacité et ouvre les yeux pour constater qu'elle a atteint sa cible en plein cœur. Je souris avec fierté en allant récupérer ma flèche. Soudain, un hennissement au loin hérisse les poils de mes bras et je tourne vivement ma tête. J'abandonne mon arc sur le sol et cours en direction du cheval sombre qui galope en provenance du nord. La vue de ce destrier me fait frissonner alors qu'il s'approche davantage et ralentit son allure. Je constate avec horreur qu'il n'est pas accompagné de son cavalier.

« Sleipnir... Que fais-tu ici ? »

Je tente d'apaiser le cheval en caressant les muscles de son poitrail et observe la selle vide. Ses sabots piétinent avec un bruit sourd et ses naseaux frémissent avec impatience. Mes épaules s'affaissent alors que je prends conscience de la dure nouvelle.

« Saevald... »

Mon corps ne réagit plus et mes muscles se raidissent, paralysés par la peur. Mes visions étaient réelles et ma peur était fondée. Les Berserks sont à nos portes, désormais. Je saisis les rênes du destrier et cours à ses côtés pour le ramener au village. Mais la nouvelle s'est déjà répandue à mon arrivée. Je me hâte de cacher Sleipnir en l'attachant par son filet à un poteau de bois, derrière la maison de Saevald. Puis, je me hâte de courir vers la maison d'Estrid et entre sans frapper. La vieille dame sursaute et me dévisage sans comprendre.

« Pardon, je... Est-ce que l'armure est prête ?

— Eh bien... Oui... »

Estrid se hâte d'aller chercher l'ensemble à l'arrière de sa petite maison et me tend l'armure composée de cuir et d'argent. Je la soupèse entre mes mains et la remercie platement avec une révérence et elle me sourit d'un air surpris.

« Si je peux me permettre... Pourquoi est-ce si urgent ?

— La guerre est à nos portes, je le crains. »

N'ayant pas d'autres explications à lui fournir, je l'abandonne et m'enfuis retrouver la maison de ce guerrier qui n'est pas revenu de sa mission. Les pensées les plus sombres hantent mon esprit et je tente de refouler les larmes qui menacent d'inonder mes joues.

« C'est elle ! C'est elle qu'ils veulent ! »

Trois voix masculines stoppent mes réflexions et j'observe les soldats courir en ma direction. Pétrifiée, je lance mon armure dans un bosquet non loin de moi. Deux des hommes me saisissent brutalement par les bras et m'emmènent vers le centre du village dans mon incompréhension la plus totale. Mes pieds raclent le sol tandis que mon corps est soulevé par ces guerriers. Ils me jettent sur la place centrale et j'atterris lourdement sur le sol. Je tente de me relever et observe l'un des soldats debout devant moi me pointer du doigt :

« C'est bien elle, Varunn. Ils ont prononcé son prénom avant de... avant de tuer la moitié du bataillon. »

Quatre soldats sortent leur épée avec un air de colère sur le visage, tous prêts à me tuer. Sven s'approche à son tour de moi et lève la main pour faire signe à ses hommes de ne pas bouger.

« Mon fils a été fait prisonnier par ta faute, misérable femme. Les Berserks ont épargné un soldat pour nous transmettre un message on-ne-peut-plus clair : ils te cherchent. »

VarunnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant