Mes yeux s'ouvrent lentement et je me redresse pour observer la nuit au-dehors. Je jette un œil vers Saevald allongé près de moi et tente de le réveiller en tapotant son épaule. Après quelques secondes, le guerrier se met à bâiller et étire ses muscles.
« Combien de temps avons-nous dormi ?
— Je l'ignore. Il fait encore nuit, mais la lune est bien haute dans le ciel.
— Nous avons trop tardé. Il faut repartir. »
Le soldat saute sur ses pieds et s'empresse de s'habiller pour rejoindre son cheval. Je secoue la tête pour chasser le sommeil de mon esprit et revêts moi aussi ma tunique. Saevald me tend un morceau de pain dur en guise de collation et donne l'autre à sa monture. Il se hâte de remonter à cheval et m'aide à grimper derrière lui. Aussitôt installée, nous partons au galop en direction du désert. Sous les sabots de Sleipnir, les roches se font plus rares pour laisser place au sable fin. Après une vingtaine de minutes, je décide de briser le silence :
« Pourrais-je te poser une question ?
— Bien sûr, de quoi souhaites-tu parler ?
— C'est à propos de tout à l'heure. Je... Hum. Je me demandais si c'était une occasion unique ou si elle avait des chances de se répéter. »
Saevald paraît surpris par ma question et tourne son visage vers la droite pour s'assurer qu'il a bien entendu. Il racle sa gorge et choisit ses mots pour me répondre :
« Eh bien je... Je suis dans une position qui ne me permet pas d'avoir la chance de choisir ma partenaire. Mon père veut que j'épouse Héla, qui est ma frilla. Mais je ne lui laisserai pas ce plaisir. J'aimerais nous laisser une chance. Mais il faudra être discret. »
Mon cœur se brise en mille morceaux et mes épaules s'affaissent soudainement.
« Pour que la nouvelle ne se répande pas à propos de la liaison entre le fils du chef et une soldate en sursis ?
— Ne dis pas cela. Il faut que tu comprennes que mes responsabilités politiques passent avant ma propre volonté.
— Et ton sens du devoir t'impose-t-il de partager ta couche avec Héla par exemple ? »
Saevald fait arrêter sa monture d'un geste et s'adresse à moi d'un ton sévère.
« Descend du cheval et réfléchis à tes paroles.
— Quoi ? Parce que je ne me laisse pas faire ? Sache que je ne te laisserai pas me déshonorer de la sorte sans réagir ! Que tu sois le chef des armées n'y changera rien !
— Bon sang Varunn ! Tu te comportes comme une enfant !
— Je refuse d'être un simple nom de plus sur ta liste de conquêtes ! »
Saevald serre les poings sur les rênes de son cheval, visiblement en proie à une frustration qu'il peine à contenir. Son regard devient plus sombre, mais il reste silencieux. Mon cœur quant à lui continue de marteler dans ma poitrine avec anxiété. La voix de Saevald se fait plus basse, presque cassée. Il se tourne vers moi, son visage empreint d'un mélange de confusion et d'émotion.
« Ce que je ressens pour toi, je ne l'ai jamais ressenti pour personne d'autre. Et c'est justement pour ça que c'est compliqué.
— Ce n'est compliqué que pour toi, Saevald. En réalité, c'est très simple : tu es incapable de prendre des décisions. »
Pour appuyer mon propos, je me redresse et obéis à son premier ordre : celui de descendre de son cheval. Mes pieds touchent le sable chaud et j'essuie mes paumes sur ma tunique.

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Varunn
PrzygodoweVarunn, jeune femme intrépide et solitaire, se réveille au milieu du désert sans le moindre souvenir de son passé ni de son identité. Perdue et désorientée, elle est recueillie par Saevald, le redoutable chef de l'armée du clan des Jomsvikings. De s...