Chapitre 28

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Trois coups secs sur la porte de ma chambre me font sursauter et je me redresse sur mon lit. Tirée de mon sommeil, je tente de recoiffer mes cheveux et me glisse hors de mes draps pour enfiler une tunique plus convenable.

« Entrez. »

Une vieille femme aux cheveux roux tressés ouvre la porte et baisse poliment la tête en signe de respect. Touchée par cette révérence, je lui souris tandis qu'elle se présente :

« Bonjour Varunn, je m'appelle Estrid. Je suis chargée de la confection des armures des guerriers.

— Bonjour.

— Avant de partir en mission, Saevald est venu me trouver pour me demander de te préparer une armure. Il a indiqué que tu faisais partie des Jomsvikings et qu'un tel vêtement te revient de droit. »

Les yeux humides, j'acquiesce et souris à cette femme. Elle est loin de se douter que je ne pourrai jamais combattre aux côtés de l'armée, après l'humiliation que j'ai subie la veille.

« Je suppose que Sven n'est pas au courant d'une telle décision.

— En effet. Une fois ton armure prête, il te faudra la cacher. »

Je baisse les yeux sur le fil de tissu entre les mains d'Estrid. Si Saevald a pris une telle décision, c'est qu'il savait que je serais impliquée tôt ou tard dans le conflit qui menace le village. Je dois être prête à me battre pour mon nouveau peuple, pour le défendre. Même si ce dernier me rejette.

La vieille femme me fait poliment signe de me déshabiller. J'hésite quelques instants, mais finis par obtempérer. Je découvre ma peau et pose ma tunique sur mon lit. Je sens son regard se poser sur les hématomes qui couvrent mes côtes, mais elle ne prononce aucun mot. Le dos droit et les bras légèrement écartés, je laisse Estrid prendre mes mensurations. Son fil s'enroule autour de mes cuisses, puis de mes épaules et enfin de mes bras. Elle mesure mon dos en suivant ma colonne vertébrale, puis le tissu se colle à ma poitrine. Estrid évalue le tour de mes hanches et termine son inspection sur le bas de mon ventre. Ceci fait, elle note l'ensemble sur un bout de parchemin et range ses affaires calmement. Je fronce les sourcils et penche la tête :

« Pourquoi paraissez-vous étonnée ?

— L'âge ne me réussit pas très bien, je crois. Autrefois, j'avais un œil assez affûté pour deviner la morphologie de mes modèles. Or là... J'ai mal évalué ton tour de hanche et de poitrine. Mais ça ne fait rien. Ton armure sera prête dans deux ou trois jours. »

Je hoche la tête et pose ma main sur le poignet d'Estrid.

« Je ne pense pas que ce soit une très bonne idée.

— De quoi parles-tu ?

— De l'armure. Je ne pense pas être digne de la porter et... Si Sven l'apprenait, il vous ferait renvoyer.

— Voyons, Varunn. Je ne te connais peut-être pas, mais je connais Saevald. Je sais que s'il m'a demandé une armure pour toi, c'est qu'il t'estime assez forte et digne de l'utiliser. »

Elle m'adresse un clin d'œil et je me rhabille avec un léger sourire aux lèvres.

« Ah au fait... »

Estrid s'arrête et m'observe avec un air pensif.

« Il y a quelque chose que tu devrais savoir à propos de Saevald. Vous êtes proches lui et toi, n'est-ce pas ? »

J'acquiesce lentement, curieuse. Je fronce légèrement les sourcils en attendant la suite.

« Lorsqu'il est venu me voir... Il ne l'a pas mentionné directement, mais j'ai vu dans ses yeux qu'il tient beaucoup à toi. C'est la première fois que je le vois amoureux. »

Les mots d'Estrid me touchent et me réchauffent le cœur de manière inattendue. Je pose mon regard sur le fil dans les mains de cette femme et réalise que l'armure ne sera pas seulement un symbole de force physique, mais aussi un signe de protection de la part de Saevald.

« Merci, Estrid »

En réponse, la vieille femme m'adresse un sourire complice. Des milliers de pensées se bousculent dans ma tête et je sens le rouge me monter aux joues. Je repense à la lettre que le guerrier m'a laissée et une boule d'appréhension me noue la gorge.

Pourvue que sa mission se passe bien et qu'il revienne en bonne santé. 

VarunnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant