Chapitre 34

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Le désespoir me prend et un trop-plein d'émotions m'empêche de réfléchir. Je hurle dans la forêt :

« À quoi bon être fille d'une divinité si c'est pour vivre malheureuse et semer la mort ? »

Les oreilles de mon cheval s'orientent nerveusement vers moi tandis qu'il galope rapidement. Je laisse mes cheveux blonds s'emmêler dans le vent et mes cils humides chassent mes larmes.

« Je préfère mourir que d'infliger davantage de douleur. Je ne suis pas un outil dont peuvent se servir les humains ou les dieux à leur guise. »

Ma jument trace sa route avec énergie et nous dépassons à présent la forêt. 

Je refuse de perdre une seconde fois le contrôle.

« Qu'est-ce que tu en dis, père ? Je t'en prie montre-toi, ose donc te présenter à moi ! »

Je ferme les yeux et canalise mon énergie pour calmer mes émotions. La route défile et aucune trace divine n'est à déclarer. J'éclate en sanglots, choquée de la destruction que j'ai causée. Ma colère n'avait plus aucune limite, et ma raison était muselée. Je ne veux plus avoir à affronter une telle épreuve, ni causer de morts supplémentaires. Loki m'avait prévenue : je suis condamnée par les dieux. J'essuie mes larmes d'un revers de main et m'exprime d'une voix claire.

« Je renonce au seidr. »

Ma monture devient de plus en plus nerveuse et sa cadence s'accélère. Les arbres laissent place aux étendues d'herbe que je reconnais. J'approche le village des Jomsvikings. Une voix résonne dans ma tête et je me redresse par réflexe, surprise.

« Es-tu bien sûre de le vouloir ? »

Mon cheval s'arrête brusquement et se cabre. Je m'agrippe à son encolure de justesse pour ne pas tomber. Une silhouette humaine est apparue sur notre chemin, effrayant ma jument.

« Qu'est-ce que...

— Souhaites-tu abandonner tes pouvoirs ? »

La voix de la personne apparaît dans mes pensées comme s'il s'agissait d'un mentaliste. Je fronce les sourcils et tente de rassurer ma monture. Ce geste ne passe pas inaperçu.

 « Tu renonceras à la moindre particule de seidr qui vit en toi. Tu renonces ainsi à tes origines divines, pour devenir mortelle.

— Je me portais bien avant de découvrir ce don.

— Tu l'avais délibérément enfoui en toi. Mais il a toujours été présent dans ton sang.

— Si je l'ai fait, c'est qu'il y avait une bonne raison. Peut-être me suis-je rendu compte de sa nature dévastatrice.

— Le seidr est neutre, il peut être utilisé à bon ou mauvais escient.

— Pas lorsque ma destinée est de tuer et de venger pour le compte des dieux. Je regrette, mais je ne veux pas de cette vie. »

La silhouette s'approche davantage jusqu'à ce que je puisse voir son visage. Elle ôte l'illusion qui l'entoure et révèle son apparence. C'est une Völva. Ses cheveux gris ondulés tombent en cascade sur ses épaules et des runes diverses sont tatouées sur ses joues et son cou. Plusieurs bijoux pendent à ses oreilles et un trait de charbon noir entoure ses yeux.

« Je devine tes questions, tes pensées sont bruyantes. »

Cette fois, elle s'adresse à moi directement et non via mon esprit. J'acquiesce et la laisse continuer, curieuse de l'identité de cette femme.

« Je m'appelle Thyra. J'ai été envoyée directement d'Asgard pour te trouver.

— Tu n'es pas comme les autres Völva.

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